s d'herbes y font des bouquets verts, les
secheries des teinturiers des plaques de couleurs, les ornements d'or au
fronton des temples des points lumineux,--tout cela compris dans
l'enceinte ovale des murs grisatres, sous la voute du ciel bleu, pres de
la mer immobile.
Mais la foule s'arrete, et regarde du cote de l'occident, d'ou s'avancent
d'enormes tourbillons de poussiere.
Ce sont les moines de la Thebaide, vetus de peaux de chevre, armes de
gourdins, et hurlant un cantique de guerre et de religion avec ce refrain:
"Ou sont-ils? ou sont-ils?"
Antoine comprend qu'ils viennent pour tuer les Ariens.
Tout a coup les rues se vident,--et l'on ne voit plus que des pieds leves.
Les Solitaires maintenant sont dans la ville. Leurs formidables batons,
garnis de clous, tournent comme des soleils d'acier. On entend le fracas
des choses brisees dans les maisons. Il y a des intervalles de silence.
Puis de grands cris s'elevent.
D'un bout a l'autre des rues, c'est un remous continuel de peuple
effare.
Plusieurs tiennent des piques. Quelquefois, deux groupes se rencontrent,
n'en font qu'un; et cette masse glisse sur les dalles, se disjoint,
s'abat. Mais toujours les hommes a longs cheveux reparaissent.
Des filets de fumee s'echappent du coin des edifices. Les battants des
portes eclatent. Des pans de murs s'ecroulent. Des architraves tombent.
Antoine retrouve tous ses ennemis l'un apres l'autre. Il en reconnait
qu'il avait oublies; avant de les tuer, il les outrage. Il eventre,
egorge, assomme, traine les vieillards par la barbe, ecrase les enfants,
frappe les blesses. Et on se venge du luxe; ceux qui ne savent pas lire
dechirent les livres; d'autres cassent, abiment les statues, les
peintures, les meubles, les coffrets, mille delicatesses dont ils
ignorent l'usage et qui, a cause de cela, les exasperent. De temps
a autre, ils s'arretent tout hors d'haleine, puis recommencent.
Les habitants, refugies dans les cours, gemissent. Les femmes levent au
ciel leurs yeux en pleurs et leurs bras nus. Pour flechir les Solitaires,
elles embrassent leurs genoux; ils les renversent; et le sang jaillit
jusqu'aux plafonds, retombe en nappes le long des murs, ruisselle du
tronc des cadavres decapites, emplit les aqueducs, fait par terre de
larges flaques rouges.
Antoine en a jusqu'aux jarrets. Il marche dedans; il en hume les
gouttelettes sur ses levres, et tressaille de joie a le sentir contre
ses membres, sous sa tunique d
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