esclaves au fond des loges. Ce sont les
peres du Concile de Nicee, en haillons, abjects. Le martyr Paphnuce
brosse la criniere d'un cheval, Theophile lave les jambes d'un autre,
Jean peint les sabots d'un troisieme, Alexandre ramasse du crottin dans
une corbeille.
Antoine passe au milieu d'eux. Ils font la haie, le prient d'interceder,
lui baisent les mains. La foule entiere les hue; et il jouit de leur
degradation, demesurement. Le voila devenu un des grands de la Cour,
confident de l'Empereur, premier ministre! Constantin lui pose son
diademe sur le front. Antoine le garde, trouvant cet honneur tout simple.
Et bientot se decouvre sous les tenebres une salle immense, eclairee par
des candelabres d'or.
Des colonnes, a demi perdues dans l'ombre tant elles sont hautes, vont
s'alignant a la file en dehors des tables qui se prolongent jusqu'a
l'horizon,--ou apparaissent dans une vapeur lumineuse des superpositions
d'escaliers, des suites d'arcades, des colosses, des tours, et par
derriere une vague bordure de palais que depassent des cedres, faisant
des masses plus noires sur l'obscurite.
Les convives, couronnes de violettes, s'appuient du coude contre des
lits tres-bas. Le long de ces deux rangs des amphores qu'on incline
versent du vin;--et tout au fond, seul, coiffe de la tiare et couvert
d'escarboucles, mange et boit le roi Nabuchodonosor.
A sa droite et a sa gauche, deux theories de pretres en bonnets pointus
balancent des encensoirs. Par terre, sous lui, rampent les rois captifs,
sans pieds ni mains, auxquels il jette des os a ronger; plus bas se
tiennent ses freres, avec un bandeau sur les yeux,--etant tous aveugles.
Une plainte continue monte du fond des ergastules. Les sons doux et
lents d'un orgue hydraulique alternent avec les choeurs de voix; et on
sent qu'il y a tout autour de la salle une ville demesuree, un ocean
d'hommes dont les flots battent les murs.
Les esclaves courent portant des plats. Des femmes circulent offrant a
boire, les corbeilles crient sous le poids des pains; et un dromadaire,
charge d'outres percees, passe et revient, laissant couler de la
verveine pour rafraichir les dalles.
Des belluaires amenent des lions. Des danseuses, les cheveux pris dans
des filets, tournent sur les mains en crachant du feu par les narines;
des bateleurs negres jonglent, des enfants nus se lancent des pelotes
de neige, qui s'ecrasent en tombant contre les claires argenteries. La
clameur est si formi
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