ux. Il eclate de rire.
Un autre rire part derriere lui; et Hilarion se presente--habille en
ermite, beaucoup plus grand que tout a l'heure, colossal.
ANTOINE
n'est pas surpris de le revoir.
Qu'il faut etre bete pour adorer cela!
HILARION
Oh! oui, extremement bete!
Alors defilent devant eux, des idoles de toutes les nations et de tous
les ages, en bois, en metal, en granit, en plumes, en peaux cousues.
Les plus vieilles, anterieures au Deluge, disparaissent sous des goemons
qui pondent comme des crinieres. Quelques-unes, trop longues pour leur
base, craquent dans leurs jointures et se cassent les reins en marchant.
D'autres laissent couler du sable par les trous de leurs ventres.
Antoine et Hilarion s'amusent enormement. Ils se tiennent les cotes a
force de rire.
Ensuite, passent des idoles a profil de mouton. Elles titubent sur leurs
jambes cagneuses, entr'ouvrent leurs paupieres et begayent comme des
muets: "Ba! ba! ba!"
A mesure qu'elles se rapprochent du type humain, elles irritent Antoine
davantage. Il les frappe a coups de poing, a coups de pied,
s'acharne dessus.
Elles deviennent effroyables--avec de hauts panaches, des yeux en
boules, les bras termines par des griffes, des machoires de requin.
Et devant ces Dieux, on egorge des hommes sur des autels de pierre;
d'autres sont broyes dans des cuves, ecrases sous des chariots, cloues
dans des arbres. Il y en a un, tout en fer rougi et a cornes de taureau,
qui devore des enfants.
ANTOINE
Horreur!
HILARION
Mais les Dieux reclament toujours des supplices. Le tien meme a voulu
...
ANTOINE
pleurant:
Oh! n'acheve pas, tais-toi!
L'enceinte des roches se change en une vallee. Un troupeau de boeufs y
pature l'herbe rase.
Le pasteur qui les conduit observe un nuage;--et jette dans l'air, d'une
voix aigue, des paroles imperatives.
HILARION
Comme il a besoin de pluie, il tache, par des chants, de contraindre le
roi du ciel a ouvrir la nuee feconde.
ANTOINE
en riant:
Voila un orgueil trop niais!
HILARION
Pourquoi fais-tu des exorcismes?
La vallee devient une mer de lait, immobile et sans bornes.
Au milieu flotte un long berceau, compose par les enroulements d'un
serpent dont toutes les tetes, s'inclinant a la fois, ombragent un dieu
endormi sur son corps.
Il est jeune, imberbe, plus beau qu'une fille et couvert de voiles
diaphanes. Les perles de sa tiare brillent doucement comme des lunes, un
chape
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