otamie. Je depasse les autruches. Je cours si vite que je
traine le vent. Je frotte mon dos contre les palmiers. Je me roule dans
les bambous. D'un bond je saute les fleuves. Des colombes volent
au-dessus de moi. Une vierge seule peut me brider.
Au galop! au galop!
Antoine la regarde s'enfuir.
Et ses yeux restant leves, il apercoit tous les oiseaux qui se
nourrissent de vent: le Gouith, l'Ahuti, l'Alphalim, le Iukneth des
montagnes de Caff, les Homai des Arabes qui sont les ames d'hommes
assassines. Il entend les perroquets proferer des paroles humaines, puis
les grands palmipedes pelasgiens qui sanglotent comme des enfants ou
ricanent comme de vieilles femmes.
Un air salin le frappe aux narines. Une plage maintenant est devant lui.
Au loin des jets d'eau s'elevent, lances par des baleines; et du fond de
l'horizon
LES BETES DE LA MER
rondes comme des outres, plates comme des lames, dentelees comme des
scies, s'avancent en se trainant sur le sable.
Tu vas venir avec nous, dans nos immensites ou personne encore n'est
descendu!
Des peuples divers habitent les pays de l'Ocean. Les uns sont au sejour
des tempetes; d'autres nagent en plein dans la transparence des ondes
froides, broutent comme des boeufs les plaines de corail, aspirent par
leur trompe le reflux des marees, ou portent sur leurs epaules le poids
des sources de la mer.
Des phosphorescences brillent a la moustache des phoques, aux ecailles
des poissons. Des oursins tournent comme des roues, des cornes d'Ammon
se deroulent comme des cables, des huitres font crier leurs charnieres,
des polypes deploient leurs tentacules, des meduses fremissent pareilles
a des boules de cristal, des eponges flottent, des anemones crachent de
l'eau; des mousses, des varechs ont pousse.
Et toutes sortes de plantes s'etendent en rameaux, se tordent en
vrilles, s'allongent en pointes, s'arrondissent en eventail. Des courges
ont l'air de seins, des lianes s'enlacent comme des serpents.
Les Dedaims de Babylone, qui sont des arbres, ont pour fruits des tetes
humaines; des Mandragores chantent, la racine Baaras court dans l'herbe.
Les vegetaux maintenant ne se distinguent plus des animaux. Des
polypiers, qui ont l'air de sycomores, portent des bras sur leurs
branches. Antoine croit voir une chenille entre deux feuilles; c'est un
papillon qui s'envole. Il va pour marcher sur un galet; une sauterelle
grise bondit. Des insectes pareils a des petales de roses, garni
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