dans toutes les directions. Des gouttes de sang pleuvent, en
claquant sur le feuillage.
LE CATOBLEPAS
buffle noir, avec une tete de porc tombant jusqu'a terre, et rattachee a
ses epaules par un cou mince, long et flasque comme un boyau vide.
Il est vautre tout a plat; et ses pieds disparaissent sous l'enorme
criniere a poils durs qui lui couvre le visage.
Gras, melancolique, farouche, je reste continuellement a sentir sous mon
ventre la chaleur de la boue. Mon crane est tellement lourd qu'il m'est
impossible de le porter. Je le roule autour de moi, lentement;--et la
machoire entr'ouverte, j'arrache avec ma langue les herbes veneneuses
arrosees de mon haleine. Une fois, je me suis devore les pattes sans
m'en apercevoir.
Personne, Antoine, n'a jamais vu mes yeux, ou ceux qui les ont vus sont
morts. Si je relevais mes paupieres,--mes paupieres roses et
gonflees,--tout de suite, tu mourrais.
ANTOINE
Oh! celui-la!... a ... a ... Si j'allais avoir envie?... Sa stupidite
m'attire. Non! non! je ne veux pas!
Il regarde par terre fixement.
Mais les herbes s'allument, et dans les torsions des flammes se dresse
LE BASILIC
grand serpent violet a crete trilobee, avec deux dents, une en haut, une
en bas.
Prends garde, tu vas tomber dans ma gueule! Je bois du feu. Le feu,
c'est moi;--et de partout j'en aspire: des nuees, des cailloux, des
arbres morts, du poil des animaux, de la surface des marecages. Ma
temperature entretient les volcans; je fais l'eclat des pierreries et la
couleur des metaux.
LE GRIFFON
lion a bec de vautour avec des ailes blanches, les pattes rouges et le
cou bleu.
Je suis le maitre des splendeurs profondes. Je connais le secret des
tombeaux ou dorment les vieux rois.
Une chaine, qui sort du mur, leur tient la tete droite. Pres d'eux, dans
des bassins de porphyre, des femmes qu'ils ont aimees flottent sur des
liquides noirs. Leurs tresors sont ranges dans des salles, par losanges,
par monticules, par pyramides;--et plus bas, bien au-dessous des
tombeaux, apres de longs voyages au milieu des tenebres etouffantes, il
y a des fleuves d'or avec des forets de diamant, des prairies
d'escarboucles, des lacs de mercure.
Adosse contre la porte du souterrain et la griffe en l'air, j'epie de
mes prunelles flamboyantes ceux qui voudraient venir. La plaine immense,
jusqu'au fond de l'horizon est toute nue et blanchie par les ossements
des voyageurs. Pour toi les battants de bronze s'ouv
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