oulait sur les barbes non rasees, qu'on se
regalait de glands, de pois et d'oignons crus et que le bouc en morceaux
cuisait dans le beurre rance des pasteurs, sans souci du voisin,
personne alors ne se genait. Les nourritures solides faisaient les
digestions retentissantes. Au soleil de la campagne, les hommes se
soulageaient avec lenteur.
Ainsi, je passais sans scandale, comme les autres besoins de la vie,
comme Mena tourment des vierges, et la douce Rumina qui protege le sein
de la nourrice, gonfle de veines bleuatres. J'etais joyeux. Je faisais
rire! Et se dilatant d'aise a cause de moi, le convive exhalait toute sa
gaiete par les ouvertures de son corps.
J'ai eu mes jours d'orgueil. Le bon Aristophane me promena sur la scene,
et l'empereur Claudius Drusus me fit asseoir a sa table. Dans les
laticlaves des patriciens j'ai circule majestueusement! Les vases d'or,
comme des tympanons, resonnaient sous moi;--et quand plein de murenes,
de truffes et de pates, l'intestin du maitre se degageait avec fracas,
l'univers attentif apprenait que Cesar avait dine!
Mais a present, je suis confine dans la populace,--et l'on se recrie,
meme a mon nom!
Et Crepitus s'eloigne, en poussant un gemissement.
Puis un coup de tonnerre;
UNE VOIX
J'etais le Dieu des armees, le Seigneur, le Seigneur Dieu!
J'ai deplie sur les collines les tentes de Jacob, et nourri dans les
sables mon peuple qui s'enfuyait.
C'est moi qui ai brule Sodome! C'est moi qui ai englouti la terre sous
le Deluge! C'est moi qui ai noye Pharaon, avec les princes fils de rois,
les chariots de guerre et les cochers.
Dieux jaloux, j'execrais les autres Dieux. J'ai broye les impurs; j'ai
abattu les superbes;--et ma desolation courait de droite et de gauche,
comme un dromadaire qui est lache dans un champ de mais.
Pour delivrer Israel, je choisissais les simples. Des anges aux ailes de
flamme leur parlaient dans les buissons.
Parfumees de nard, de cinnamome et de myrrhe, avec des robes
transparentes et des chaussures a talon haut, des femmes d'un coeur
intrepide allaient egorger les capitaines. Le vent qui passait emportait
les prophetes.
J'avais grave ma loi sur des tables de pierre. Elle enfermait mon peuple
comme dans une citadelle. C'etait mon peuple. J'etais son Dieu! La terre
etait a moi, les hommes a moi, avec leurs pensees, leurs oeuvres, leurs
outils de labourage et leur posterite.
Mon arche reposait dans un triple sanctuaire, derriere d
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