couvrait sa figure et un grand manteau de nuit deguisait sa
taille. Sa mere vint ensuite; et si elle n'eut pas su d'avance que
c'etait son fils qui l'attendait la, elle-meme n'eut pu le
reconnaitre. Catherine ota son masque; le duc d'Anjou, au
contraire, garda le sien.
-- As-tu fait cette nuit tes observations? demanda Catherine.
-- Oui, madame, dit-il; et la reponse des astres m'a deja appris
le passe. Celui pour qui vous m'interrogez a, comme toutes les
personnes nees sous le signe de l'ecrevisse, le coeur ardent et
d'une fierte sans exemple. Il est puissant; il a vecu pres d'un
quart de siecle; il a jusqu'a present obtenu du ciel gloire et
richesse. Est-ce cela, madame?
-- Peut-etre, dit Catherine.
-- Avez-vous les cheveux et le sang?
-- Les voici.
Et Catherine remit au necromancien une boucle de cheveux d'un
blond fauve et une petite fiole de sang.
Rene prit la fiole, la secoua pour bien reunir la fibrine et la
serosite, et laissa tomber sur la lame rougie une large goutte de
cette chair coulante, qui bouillonna a l'instant meme et
s'extravasa bientot en dessins fantastiques.
-- Oh! madame, s'ecria Rene, je le vois se tordre en d'atroces
douleurs. Entendez-vous comme il gemit, comme il crie a l'aide!
Voyez-vous comme tout devient sang autour de lui? Voyez-vous
comme, enfin, autour de son lit de mort s'appretent de grands
combats? Tenez, voici les lances; tenez, voici les epees.
-- Sera-ce long? demanda Catherine palpitante d'une emotion
indicible et arretant la main de Henri d'Anjou, qui, dans son
avide curiosite, se penchait au-dessus du brasier.
Rene s'approcha de l'autel et repeta une priere cabalistique,
mettant a cette action un feu et une conviction qui gonflaient les
veines de ses tempes et lui donnaient ces convulsions prophetiques
et ces tressaillements nerveux qui prenaient les pythies antiques
sur le trepied et les poursuivaient jusque sur leur lit de mort.
Enfin il se releva et annonca que tout etait pret, prit d'une main
le flacon encore aux trois quarts plein, et de l'autre la boucle
de cheveux; puis commandant a Catherine d'ouvrir le livre au
hasard et de laisser tomber sa vue sur le premier endroit venu, il
versa sur la lame d'acier tout le sang, et jeta dans le brasier
tous les cheveux, en prononcant une phrase cabalistique composee
de mots hebreux auxquels il n'entendait rien lui-meme.
Aussitot le duc d'Anjou et Catherine virent s'etendre sur cette
lame une figure blan
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