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pourtant c'est le seul moyen de nous retrouver sans danger pour moi. Nos
rapports tels qu'ils sont, chastes et consacres desormais par le
veritable amour, peuvent s'etablir tres-convenablement, si vous vous
decidez a etre connu de mon mari et a faire naturellement partie des
amis qui m'entourent. Je ne vis pas toujours seule comme vous me voyez
en ce moment. Les injustes soupcons et l'aigre caractere de ma vieille
belle-soeur ont fait la solitude autour de moi dans ces derniers temps:
j'etais, grace a elle, decouragee de toute relation d'amitie, et de
voisinage; mais, depuis qu'elle est partie, j'ai fait des visites, j'ai
efface la mauvaise impression de ses torts, dont j'avais du paraitre un
peu complice. On va me revenir. Je n'ai pas de nombreuses relations, je
n'ai jamais aime cela, et ce n'en est que mieux. Vous me trouverez assez
entouree pour que nous n'ayons pas l'air de rechercher le tete-a-tete,
et assez libre pour que le tete-a-tete se fasse souvent et
naturellement. D'ailleurs, je decouvrirai bien le moyen de m'absenter
quelquefois, et nous nous rencontrerons en pays neutre, loin des yeux
indiscrets. Je vais, des a present, travailler a ce que cela devienne
possible et meme facile. J'eloignerai les gens dont je me mefie, je
m'attacherai solidement les serviteurs devoues, je me creerai a l'avance
des pretextes, et notre connaissance etant avouee, nos rencontres, si on
les decouvre, n'auront rien qui doive surprendre ou scandaliser. Voyez!
tout nous favorise. Vous avez devant vous la liberte du voyageur; moi,
je vais avoir celle de l'epouse delaissee, car M. de Valvedre pense, lui
aussi, a un grand voyage que je ne combattrai plus. Il s'en ira
peut-etre pour deux ans. Consentez a lui etre presente auparavant. Il
sait deja que je vous connais, et il ne peut rien soupconner.
Mettons-nous en mesure vis-a-vis de lui et du monde; ceci nous donnera
du temps, de la liberte, de la securite. Vous parcourrez la Suisse et
l'Italie, vous y deviendrez grand poete, avec une belle nature sous les
yeux et l'amour dans le coeur; moi, jusqu'a ce jour, j'ai ete
nonchalante et decouragee. Je vais devenir active et ingenieuse. Je ne
songerai qu'a cela. Oui, oui, nous avons deja devant nous deux annees de
pur bonheur. C'est Dieu qui vous a envoye a moi, au moment ou la douleur
de me separer de mon fils aine allait m'achever. Quand il me faudra
quitter le second, j'aurai la compassion de vivre plus longtemps,
peut-etre tout a
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