uvres de
M. Zola. Autant cet ecrivain nous parait pietre penseur, mal renseigne
et peu speculatif, autant nous l'admirons pour son genie incomplet mais
puissant. Toute la premiere partie de l'_Oeuvre_, cette histoire
lentement developpee de l'affection de Christine et de Claude, les
magnifiques scenes ou elle se resout a etre le modele de son amant, ou
elle se livre a lui, revenu croulant sous les huees, leur idylle de
Bennecourt, sont de grands et vrais tableaux ou la vie fremit, ou la
sympathie jaillit du coeur du lecteur. Et cette lamentable fin encore du
menage artistique, cette noire existence miserable et debraillee dans
l'atelier du haut de Montmartre, Claude se brutalisant, s'exaltant et
s'affolant a l'impossible labeur de s'extorquer un chef-d'oeuvre, tandis
que Christine s'attache a son amour tari, lutte contre le dessechement
de coeur de son mari, finit par l'arracher a l'art auquel il tenait de
toutes ses fibres, mais l'abime et le tue du coup; toute cette tragedie
humaine donnant a toucher de pauvres chairs frissonnantes, a voir des
larmes dans des orbites creux, et des machoires serrees, et des poings
abandonnes, nous a enthousiasme et emu. De tous nos romanciers actuels,
M. Zola est le seul a donner cette sensation d'humanite vivante et
souffrante, et il y parvient, comme tous les grands artistes, en nous
montrant des ames, des etres moraux. Dans ce roman, l'etude du milieu
artistique est deplorable, fausse et incomplete. Ce que nous y aimons,
c'est cette Christine si bonne, si douce, sensee, aimante, d'une si
belle noblesse d'ame et toute simple; c'est meme cette brute de Lantier,
qui, s'il ne mettait une grossierete de manoeuvre a clamer des theories
ridicules, serait en somme un etre bon, simple et fort, qui eut pu etre
un brave homme faisant des heureux autour de lui, s'il n'etait alle se
perdre dans une carriere ou il est, malgre son intransigeance, un
mediocre et un rate; c'est Sandoz, d'une si belle fermete, tetu,
paisible et solide, ayant une idee en tete et la realisant patiemment
sans se tourner aux clameurs sur ses talons. Toutes ces ames sans doute
sont rudimentaires, simples, sans developpement vers le haut et sans
complexite dans la profondeur. M. Zola, qui n'aime pas la psychologie,
n'est en effet pas un grand psychologue, et ce defaut interdit de le
classer avec les tres grands. Mais il a le don supreme de la vie, il
sait souffler sur un etre et faire que les tempes battent, que les yeux
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