e Leonce Falbert, c'est que le
matin meme une amie etait venue lui confier les esperances du futur
avocat.
--Futur avocat! s'ecrie la mere; ma fille reve de tous les palais,
excepte du Palais de Justice.
--Rassurez-vous, ma chere amie, M. Leonce Falbert n'est pas si bete que
de se planter devant un mur mitoyen; il sera avocat stagiaire, mais
ce sera le stage de la politique. Son pere, qui est membre du conseil
general de son pays, le fera passer depute aux prochaines elections
legislatives.
--Quelle est son opinion?
--Il n'en a pas.
--Alors, je lui donne ma fille.
Vraie mere de famille! Elle comprenait qu'un homme politique qui n'a pas
d'opinion doit arriver a tout, quel que soit le gouvernement. Outre que
M. Leonce Falbert n'avait pas d'opinion, son pere lui donnait vingt-cinq
mille livres de rente. Mme d'Aymar en donnait a peu pres autant a sa
fille, si bien que les jeunes maries pourraient faire bonne figure dans
le monde du palais et de la politique.
Le mariage se fit a trois semaines de la. On se demanda comment Leonce,
avec une si belle tete, avait pu s'amouracher d'un petit chafouin comme
Angele; car elle eut beau balayer arrogamment l'eglise d'une belle
traine de dentelle, nul ne dit au passage: _La mariee est jolie_. Seuls,
les charnels, les lascifs, les libertins louerent la coupe de son sein.
"Cette belle coupe renversee," disent les poetes. Les poetes disent
encore: "Un sein abondant." La, il eut fallu dire surabondant. Aussi les
meres des filles anemiques disaient-elles tout haut: "C'est scandaleux;
je ne permettrais pas a ma fille de pareilles avant-scenes."
II
Cependant le marie entraina la mariee, pour la nuit des noces, dans une
villa de son departement, qui avait recu les plus beaux decors pour
cette premiere representation.
Angele n'eut pas besoin que les matrones vinssent a la rescousse pour la
decider a franchir le seuil de la chambre nuptiale. Tout est entrainant
pour une curieuse.
Par malheur pour Leonce, ce n'etait pas l'amour qui la prenait par la
main. Aussi, ce fut avec un eclat de rire et non avec des larmes qu'elle
passa le Rubicon.
Elle le repassa, toujours rieuse, se demandant ingenument pourquoi
Leonce ne riait pas comme elle.
Mais il etait si amoureux qu'elle lui pardonnait d'etre un peu trop
sacerdotal dans sa passion.
Le jeune licencie ne songeait pas a plaider d'autre cause que celle de
son bonheur. Comme on avait manque les derniers bals de juin et
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