une circonstance aussi, je l'avoue, par une
mauvaise administration, j'esperais pouvoir suivre jusqu'au bout le plan
que je m'etais trace pour l'education de Madeleine, quand un incident
desastreux vint bouleverser toutes mes combinaisons: la maison dans
laquelle notre capital etait place se trouva en mauvaises affaires, et
de telle sorte que si nous n'apportions pas une nouvelle mise de fonds
tout etait perdu. Sans economies, sans ressources autres que celles
provenant de mon traitement, il m'etait difficile, pour ne pas dire
impossible, de me procurer la somme necessaire pour cet apport. J'aurais
pu, il est vrai, la demander a ton pere; mais j'en etais empeche par des
raisons, a mes yeux decisives: ton pere m'ayant deja aide dans plusieurs
circonstances, je ne pouvais m'adresser a lui sans augmenter les
obligations que j'avais deja contractees a son egard dans des
proportions qui n'etaient nullement en rapport avec ma situation
financiere; en un mot, je n'empruntais plus, je me faisais donner;
enfin, je ne voulais pas m'exposer a voir nos relations fraternelles
genees par des questions d'argent, et meme a voir les liens d'amitie qui
nous unissaient brises par ces questions. Mais ce que je n'avais pas
voulu faire, un de nos cousins le fit a mon insu, et ton pere apprit les
difficultes de ma situation; il vint a Rouen et voulut regler cette
affaire d'apres certains principes de commerce qui n'etaient pas les
miens. Une discussion s'ensuivit entre nous; tu sais combien nos idees
sont differentes sur presque tous les points; cette discussion
s'envenima et se termina par une rupture complete, telle que nos
relations ont ete brisees et que depuis ce jour nous ne nous sommes pas
revus, malgre certaines avances que j'ai cru devoir faire, mais qui ont
trouve ton pere implacable.
"Si difficile que fut ma position, je parvins cependant a me procurer
la somme qu'il me fallait, mais ce fut au prix d'engagements tres-lourds
que je ne contractai que parce que j'avais la conviction que notre
affaire devait reprendre et bien marcher. Elle ne reprit point. Elle
vient de s'effondrer, me laissant ruine, et ce qui est plus terrible,
endette pour des sommes qu'il m'est impossible de payer.
"Si l'insolvabilite est grave pour tout le monde, combien plus encore
l'est-elle pour un magistrat! admets-tu que le chef d'un parquet
poursuivi par les huissiers soit oblige de parlementer avec eux, d'user
de finesses plus ou moins legales, de les ab
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