t ma fille n'eussent point trop a souffrir de la
mediocrite de mon traitement de substitut.
"C'est grace a ce revenu qu'apres avoir perdu ma femme au bout de quatre
annees de mariage, je pus garder ma fille pres de moi, et qu'elle a ete
elevee sous mes yeux, sur mon coeur.
"En la mettant dans un pensionnat, j'aurais pu faire de serieuses
economies, car, lorsqu'on prend, pour instruire un enfant dans la maison
paternelle, les meilleurs professeurs dans chaque branche d'instruction,
pour la peinture un peintre de merite, pour la musique des artistes de
talent, cela coute cher, tres-cher, et en employant utilement ces
economies, soit a former un capital, soit a constituer une assurance sur
la vie, payable entre les mains de ma fille le jour de son mariage, je
serais arrive a lui constituer une dot moitie plus forte que celle que
sa mere avait recue. Mais je n'ai point cru que c'etait la le meilleur.
Plusieurs raisons d'ordre different me determinerent: j'aimais ma fille,
et ce m'eut ete un profond chagrin de me separer d'elle; je n'etais pas
partisan de l'education en commun pour les filles; jeune encore, je ne
voulais pas m'exposer a la tentation de me remarier, ce qui eut pu
arriver si je n'avais pas eu ma fille pres de moi; enfin je me disais
que, si les hommes ne cherchent trop souvent qu'une dot dans le mariage,
il en est cependant qui veulent une femme, et c'etait une femme que je
voulais elever; toi qui connais Madeleine, ses qualites d'esprit et de
coeur, tu sais si j'ai reussi.
"Tu as passe quelques-unes de tes vacances avec nous; tu sais quelle
etait notre vie dans notre petite maison du quai des Curandiers et notre
etroite intimite dans le travail comme dans le plaisir; tu as assiste a
nos soirees de lecture, a nos seances de musique, a nos reunions entre
amis, je n'ai donc rien a te dire de tout cela; a le faire je
m'attendrirais dans ces souvenirs si doux, si charmants, et je ne veux
pas m'attendrir.
"Cependant, en rappelant ainsi un passe que tu connais dans une certaine
mesure, je dois relever un point que tu ignores peut-etre, et qui a son
importance: nos depenses depasserent chaque annee mes previsions et
m'entrainerent dans des embarras d'argent qui furent les seuls tourments
de ces annees si heureuses; mais ton pere me vint en aide, et, grace a
son concours fraternel, je pus en sortir a mon honneur.
"Malgre ces embarras d'argent causes le plus souvent par des besoins
imprevus, mais dans plus d'
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