r.
-- Eh bien tu n'en auras pas de pain, et je t'engage a filer au
plus vite si tu ne veux pas que je te fasse arreter."
Perrine n'etait point en situation de tenir tete:
"Pourquoi m'arreter? balbutia-t-elle.
-- Parce que tu es une voleuse...
-- Oh! madame.
-- Qui veut me passer une piece fausse. Vas-tu te sauver, voleuse,
vagabonde. Attends un peu que j'appelle un sergent de ville."
Perrine avait conscience de n'etre pas une voleuse, bien qu'elle
ne sut pas si sa piece etait bonne ou fausse; mais vagabonde elle
l'etait puisqu'elle n'avait ni domicile ni parents. Que
repondrait-elle au sergent de ville? Comment se defendrait-elle,
si on l'arretait? Que ferait-on d'elle?
Toutes ces questions lui traverserent l'esprit avec la rapidite de
l'eclair, cependant telle, etait sa detresse qu'avant d'obeir a la
peur qui commencait a la serrer a la gorge, elle pensa a sa piece:
"Si vous ne voulez, pas me donner du pain, au moins rendez-moi ma
piece, dit-elle en etendant la main.
Pour que tu la passes ailleurs, n'est-ce pas? Je la garde, ta
piece. Si tu la veux, va chercher un sergent de ville, nous
l'examinerons ensemble, En attendant, fiche-moi le camp et plus
vite que ca, voleuse!"
Les cris de la boulangere qui s'entendaient de la rue avaient
arrete trois ou quatre passants et des propos s'echangeaient entre
eux curieusement:
"Qu'est-ce que c'est?
-- C'te fille qui a voulu forcer le tiroir de la boulangere.
-- Elle marque mal.
-- N'y a donc jamais de police quand on en a besoin?"
Affolee, Perrine se demandait si elle pourrait sortir; cependant
on la laissa passer, mais en l'accompagnant d'injures et de huees,
sans qu'elle osat se sauver a toutes jambes comme elle en avait
envie, ni se retourner pour voir si on ne la poursuivait point.
Enfin apres quelques minutes, qui pour elle furent des heures,
elle se trouva dans la campagne, et malgre tout elle respira: pas
arretee! plus d'injures!
Il est vrai qu'elle pouvait se dire aussi: pas de pain, plus
d'argent; mais cela c'etait l'avenir; et ceux qui, aux trois
quarts noyes, remontent a la surface de l'eau, n'ont pas pour
premiere pensee de se demander comment ils souperont le soir et
dineront le lendemain.
Cependant apres les premiers moments donnes au soulagement de la
delivrance cette pensee du diner s'imposa brutalement, sinon pour
le soir meme, en tout cas pour le lendemain et les jours suivants.
Elle n'etait pas assez enfant pour ima
|