t, si nous avons assez d'argent pour aller jusque-la;
sinon nous irons jusqu'ou nous pourrons, et nous ferons le reste
du chemin a pied.
-- Palikare est un bel ane; le garcon qui m'a parle a la barriere
me le disait tantot. Il est dans un cirque, il s'y connait; et
c'est parce qu'il trouvait Palikare beau, qu'il m'a parle.
-- Nous ne savons pas la valeur des anes a Paris, et encore moins
celle que peut avoir un ane d'Orient. Enfin, nous verrons, et
puisque notre parti est arrete, ne parlons plus de cela: c'est un
sujet trop triste, et puis je suis fatiguee."
En effet, elle paraissait epuisee, et plus d'une fois elle avait
du faire de longues pauses pour arriver a bout de ce qu'elle
voulait dire.
"As-tu besoin de dormir?
-- J'ai besoin de m'abandonner, de m'engourdir dans la
tranquillite, du parti pris et l'espoir d'un lendemain.
-- Alors, je vais te laisser pour ne pas te deranger, et comme il
y a encore deux heures de jour, je vais en profiter pour laver
notre linge. Est-ce que ca ne te paraitra pas bon d'avoir demain
une chemise fraiche?
-- Ne te fatigue pas.
-- Tu sais bien que je ne suis jamais fatiguee."
Apres avoir embrasse sa mere, elle alla de-ci de-la dans la
roulotte, vivement, legerement; prit un paquet de linge dans un
petit coffre ou il etait enferme, le placa dans une terrine;
atteignit sur une planche un petit morceau de savon tout use, et
sortit emportant le tout. Comme apres que le riz avait ete cuit,
elle avait empli d'eau sa casserole, elle trouva cette eau chaude
et put la verser sur son linge. Alors, s'agenouillant dons
l'herbe, apres avoir ote sa veste, elle commenca a savonner, a
frotter, et sa lessive ne se composant en realite que de deux
chemises, de trois mouchoirs, de deux paires de bas, il ne lui
fallait pas deux heures pour que fut tout lave, rince et etendu
sur des ficelles entre la roulotte et la palissade.
Pendant qu'elle travaillait, Palikare attache, a une courte
distance d'elle, l'avait plusieurs fois regardee comme pour la
surveiller, mais sans rien de plus. Quand il vit qu'elle avait
fini, il allongea le cou vers elle et poussa cinq ou six braiments
qui etaient des appels imperieux.
"Crois-tu que je t'oublie?" dit-elle.
Elle alla a lui, le changea de place et lui apporta a boire dans
sa terrine qu'elle avait soigneusement rincee, car s'il se
contentait de toutes les nourritures qu'on lui donnait ou qu'il
trouvait lui-meme, il etait au contraire tres dif
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