nilles de leur vetement? Comment iraient-elles a
Maraucourt?
Quand elle suivait ces pensees, pres de sa mere, il y avait des
moments ou, dans son angoisse, ses nerfs se tendaient avec une
intensite si poignante, qu'elle se demandait, baignee de sueur, si
elle aussi n'allait pas succomber dans une syncope. Un soir
qu'elle se trouvait dans cet etat d'apprehension et
d'aneantissement, elle sentit que la main de sa mere, qu'elle
tenait dans les siennes, la serrait.
"Tu veux quelque chose? demanda-t-elle vivement, ramenee par cette
pression dans la realite.
-- Te parler, car l'heure est venue des dernieres et supremes
paroles.
-- Oh! maman...
-- Ne m'interromps pas, ma fille cherie, et tache de contenir ton
emotion comme je tacherai de ne pas ceder au desespoir. J'aurais
voulu ne pas t'effrayer, et c'est pour cela que jusqu'a present je
me suis tue, pour menager ta douleur, mais ce que j'ai a dire doit
etre dit, si cruel que cela soit pour nous deux. Je serais une
mauvaise mere, faible et lache, au moins je serais imprudente de
reculer encore."
Elle fit une pause, autant pour respirer que pour affermir ses
idees vacillantes. "Il faut nous separer..."
Perrine eut un sanglot que malgre ses efforts elle ne put
contenir.
"Oui, c'est affreux, chere enfant, et pourtant j'en suis a me
demander si apres tout il ne vaut pas mieux pour toi que tu sois
orpheline, que d'etre presentee par une mere qu'on repousserait.
Enfin Dieu le veut, tu vas rester seule, ... dans quelques heures,
demain peut-etre."
L'emotion lui coupa la parole, et elle ne put la reprendre
qu'apres un certain temps.
"Quand je... ne serai plus, tu auras des formalites a accomplir;
pour cela tu prendras dans ma poche un papier enveloppe dans une
double soie et tu le donneras a ceux qui te le demanderont: c'est
mon acte de mariage, et l'on y trouvera mes noms et ceux de ton
pere. Tu exigeras qu'on te le rende, car il doit t'etre utile plus
tard pour etablir ta naissance. Tu le garderas donc avec grand
soin. Cependant comme tu peux le perdre, tu l'apprendras par coeur
de facon a ne l'oublier jamais: le jour ou tu aurais besoin de le
montrer, tu en demanderais un autre. Tu m'entends bien; tu retiens
tout ce que je te dis?'
-- Oui, maman, oui.
-- Tu seras bien malheureuse, bien aneantie, mais il ne faut pas
t'abandonner, ... quand tu n'auras plus rien a faire a Paris et
que tu seras seule, toute seule. Alors tu dois partir
immediatement pou
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