a a bout d'expedients, et n'imagina rien de mieux que
d'aller chercher le medecin: peut-etre ferait-il quelque chose.
Mais bien qu'il eut formule une ordonnance, il declara franchement
a la Marquise, en partant, qu'il ne pouvait rien pour la malade:
"C'est une femme epuisee par le mal, la misere, les fatigues et le
chagrin; elle partait, qu'elle serait morte en wagon; ce n'est
plus qu'une affaire d'heures qu'une syncope reglera probablement.
C'en fut une de jours, car la vie, si prompte a s'eteindre dans la
vieillesse, est plus resistante dans la jeunesse: sans aller
mieux, la malade, n'allait pas plus mal, et bien qu'elle ne put
rien avaler, ni bouillon ni remedes, elle durait etendue sur son
matelas, sans mouvements, presque sans respiration, engourdie dans
la somnolence.
Aussi Perrine se reprenait-elle a esperer: l'idee de la mort, qui
obsede les gens ages et la leur montre partout, tout pres, alors
meme qu'elle reste loin encore, est si repulsive pour les jeunes,
qu'ils se refusent a la voir, meme quand elle est la menacante.
Pourquoi sa mere ne guerirait-elle point? Pourquoi mourrait-elle?
C'est a cinquante ans, a soixante ans qu'on meurt, et elle n'en
avait pas trente! Qu'avait-elle fait pour etre condamnee a une
mort precoce, elle, la plus douce des femmes, la plus tendre des
meres, qui n'avait jamais ete que bonne pour les siens et pour
tous? Cela n'etait pas possible. Au contraire, la guerison
l'etait. Et elle trouvait les meilleures raisons pour se le
prouver, meme dans cette somnolence, qu'elle se disait n'etre
qu'un repos tout naturel apres tant de fatigues et de privations.
Quand, malgre tout, le doute l'etreignait trop cruellement, elle
demandait conseil a la Marquise, et celle-ci la confirmait dans
son esperance:
"Puisqu'elle n'est pas morte dans sa premiere syncope, c'est
qu'elle ne doit pas mourir.
-- N'est-ce pas?
-- C'est ce que pensent aussi Grain de Sel et La Carpe."
Maintenant, sa plus grande inquietude, puisque du cote de sa mere
on la rassurait comme elle se rassurait elle-meme, etait de se
demander combien dureraient les trente francs de La Rouquerie,
car, si minimes que fussent leurs depenses, ils filaient cependant
terriblement vite, tantot pour une chose, tantot pour une autre,
surtout pour l'imprevu. Quand le dernier sou serait depense, ou
iraient-elles? Ou trouveraient-elles une ressource, si faible
qu'elle fut, puisqu'il ne leur restait plus rien, rien, rien que
les gue
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