trouver quelques fruits, des legumes, un gibier qui
leur apporteraient un bon repas. Pour le manque de pain en Europe,
ils avaient aussi celle de rencontrer des paysans grecs,
bosniaques, styriens, tyroliens, qui consentiraient a se faire
photographier moyennant quelques sous. Tandis qu'a Paris il n'y a
rien a attendre pour ceux qui n'ont pas d'argent en poche, et le
leur tirait a sa fin. Alors, que feraient-elles? Et le terrible,
c'est qu'elle devait repondra a cette question, elle ne sachant
rien, ne pouvant rien; l'effroyable, c'est qu'elle devait prendre
la responsabilite de tout, puisque la maladie rendait sa mere
incapable de s'ingenier, et qu'elle se trouvait ainsi la vraie
mere, quand elle ne se sentait qu'une enfant.
Si encore un peu de mieux se presentait, elle en serait encouragee
et fortifiee; mais il n'en etait pas ainsi, et bien que sa mere ne
se plaignit jamais, repetant toujours, au contraire, son mot
habituel: "Cela va aller", elle voyait qu'en realite "cela
n'allait pas": pas de sommeil, pas d'appetit, la fievre, un
affaiblissement, une oppression qui lui paraissaient progresser,
si sa tendresse, sa faiblesse, son ignorance, sa lachete ne
l'abusaient point.
Le mardi matin, a la visite du medecin, ce qu'elle craignait pour
l'ordonnance se realisa: apres un rapide examen de la malade, le
docteur Cendrier tira de sa poche son carnet, ce terrible carnet
cause de tant d'angoisses pour Perrine, et se prepara a ecrire;
mais au moment ou il posait le crayon sur le papier, elle eut le
courage de l'arreter.
"Monsieur, si les medicaments que vous allez ordonner ne sont pas
d'egale importance, voulez-vous bien n'inscrire aujourd'hui que
ceux qui pressent?
-- Qu'est-ce que vous voulez dire?" demanda-t-il d'un ton fache.
Elle tremblait, mais cependant elle osa aller jusqu'au bout.
"Je veux dire que nous n'avons pas beaucoup d'argent aujourd'hui
et que nous n'en recevrons que demain; alors..."
Il la regarda, puis apres avoir jete un coup d'oeil rapide ca et
la, comme s'il voyait pour la premiere fois leur misere, il remit
son carnet dans sa poche:
"Nous ne changerons le traitement que demain, dit-il; rien ne
presse, celui d'hier peut etre encore continue aujourd'hui.
"Rien ne presse", fut le mot que Perrine retint et se repeta: Si
rien ne pressait, c'etait que sa mere ne se trouvait pas aussi mal
qu'elle l'avait craint; on pouvait donc encore esperer et
attendre.
Le mercredi etait le jour qu
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