likare; alors celui-ci
considerant l'invitation comme serieuse avait fait deux pas de
plus en avant, et, allongeant ses levres de manieres qu'elles
fussent aussi minces, aussi allongees que possible, il avait
aspire une bonne moitie du verre, plein jusqu'au bord.
"Oh! la! la! la!", s'ecria Grain de Sel en riant aux eclats.
Et il se mit a appeler:
"La Marquise! la Carpe!"
A ces cris ils arriverent, ainsi qu'un chiffonnier charge de sa
hotte pleine, qui rentrait dans le clos, et le locataire du wagon
dont la profession etait d'etre marchand de pate de guimauve et de
parcourir les fetes et les marches en suspendant a un crochet
tournant des tas de sucre fondu, dont il tirait des tortillons
jaunes, bleus, rouges, comme l'eut fait une fileuse de sa
quenouille.
"Qu'est-ce qu'il y a? demanda la Marquise.
-- Vous allez voir; mais preparez-vous a vous faire du bon sang."
De nouveau il emplit son verre et le tendit a Palikare qui, comme
la premiere fois, le vida a moitie au milieu des rires et des
exclamations des gens qui le regardaient.
"J'avais entendu raconter que les anes aimaient le vin, dit l'un,
mais je ne le croyais pas.
-- C'est un poivrot! dit un autre.
-- Vous devriez l'acheter, dit la Marquise en s'adressant a Grain
de Sel, il vous tiendrait joliment compagnie.
-- Ca ferait la paire."
Grain de Sel ne l'acheta point, mais il se prit d'affection pour
lui et proposa a Perrine de l'accompagner le mercredi au Marche
aux chevaux. Et cela fut un grand soulagement pour elle, car elle
n'imaginait pas du tout comment elle trouverait le Marche aux
chevaux dans Paris, pas plus qu'elle ne voyait comment elle s'y
prendrait pour vendre un ane, discuter son prix, le recevoir sans
se faire voler; elle avait bien des fois entendu raconter des
histoires de voleurs parisiens et se sentait tout a fait incapable
de se defendre contre eux si, d'aventure, ils avaient l'idee de
s'attaquer a elle. Le mercredi matin elle s'occupa donc de faire
la toilette de Palikare, et ce fut une occasion pour elle de le
caresser et de l'embrasser. Mais, helas! combien tristement! Elle
ne le verrait plus. Dans quelles mains allait-il passer? le pauvre
ami! et elle ne pouvait s'arreter a cette pensee sans revoir les
anes miserables ou martyrs que dans sa vie sur les grands chemins
elle avait rencontres en tous lieux, comme si, sur la terre
entiere, l'ane n'existait que pour souffrir. Certainement, depuis
que Palikare leur apparte
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