e dans la roulotte; ce qui n'eut
d'autre resultat que de la rendre plus vide et par la plus
miserable encore.
Elles n'eurent pas une trop longue attente a endurer: un roulement
de voiture annonca l'arrivee du medecin et Perrine courut au-
devant de lui.
Comme en entrant il voulait se diriger vers la maison, elle lui
montra la roulotte.
"C'est dans notre voiture que nous habitons", dit-elle.
Bien que cette maison n'eut rien d'une habitation, il ne laissa
paraitre aucune surprise, etant habitue a toutes les miseres avec
sa clientele; mais Perrine qui l'observait remarqua sur son visage
comme un nuage lorsqu'il vit la malade couchee sur son matelas,
dans cet interieur denude.
"Tirez la langue, donnez-moi la main."
Ceux qui payent quarante ou cent francs la visite de leur medecin
n'ont aucune idee de la rapidite avec laquelle s'etablit un
diagnostic aupres des pauvres gens; en moins d'une minute son
examen fut fait.
"Il faut entrer a l'hopital", dit-il.
La mere et la fille pousserent un meme cri d'effroi et de douleur.
"Petite, laisse-moi seul avec ta maman", dit le medecin d'un ton
de commandement.
Perrine hesita une seconde; mais, sur un signe de sa mere, elle
quitta la roulotte, dont elle ne s'eloigna pas.
"Je suis perdue? dit la mere a mi-voix.
-- Qui est-ce qui parle de ca: vous avez besoin de soins que vous
ne pouvez pas recevoir ici.
-- Est-ce qu'a l'hopital j'aurais ma fille?
-- Elle vous verrait le jeudi et le dimanche.
-- Nous separer! Que deviendrait-elle Sans moi, seule a Paris? que
deviendrai-je sans elle? Si je dois mourir, il faut que ce soit sa
main dans la mienne.
-- En tout cas on ne peut pas vous laisser dans cette voiture ou
le froid des nuits vous est mortel. Il faut prendre une chambre;
le pouvez-vous?
-- Si ce n'est pas pour longtemps, oui peut-etre.
-- Grain de Sel en loue qu'il ne vous fera pas payer cher. Mais la
chambre n'est pas tout, il faut des medicaments, une bonne
nourriture, des soins: ce que vous auriez a l'hopital.
-- Monsieur, c'est impossible, je ne peux pas me separer de ma
fille. Que deviendrait-elle?
-- Comme vous voudrez, c'est votre affaire, je vous ai dit ce que
je devais."
Il appela:
"Petite."
Puis, tirant un carnet de sa poche, il ecrivit au crayon quelques
lignes sur une feuille blanche, qu'il detacha:
"Porte cela chez le pharmacien, dit-il, celui qui est aupres de
l'eglise, pas un autre. Tu donneras a ta mere le paque
|