as moins de
quarante sous. Et pour etre sure qu'il vienne, tu feras bien de
les lui remettre d'avance."
En suivant les indications qui lui avaient ete donnees, elle
trouva assez facilement la rue Riblette, mais le medecin n'etait
point encore leve, elle dut attendre, assise sur une borne dans la
rue, a la porte d'une remise derriere laquelle on etait en train
d'atteler un cheval: comme cela elle le saisirait au passage, et
en lui remettant ses quarante sous, elle le deciderait a venir, ce
qu'il ne ferait pas, elle en avait le pressentiment, si on lui
demandait simplement une visite pour un des habitants du Champ
Guillot.
Le temps fut eternel a passer, son angoisse se doublant de celle
de sa mere qui ne devait rien comprendre a son retard; s'il ne la
guerissait point instantanement, au moins allait-il l'empecher de
souffrir. Deja elle avait vu un medecin entrer dans leur roulotte,
lorsque son pere avait ete malade. Mais c'etait en pleine
montagne, dans un pays sauvage, et le medecin que sa mere avait
appele sans avoir le temps de gagner une ville, etait plutot un
barbier avec une tournure de sorcier qu'un vrai medecin comme on
en trouve a Paris, savant, maitre de la maladie et de la mort,
comme devait l'etre celui-la, puisqu'on le disait fameux.
Enfin la porte de la remise s'ouvrit, et un cabriolet de forme
ancienne, a caisse jaune, auquel etait attele un gros cheval de
labour, vint se ranger devant la maison et presque aussitot le
medecin parut, grand, gros, gras, le visage rougeaud encadre d'une
barbe grise qui lui donnait l'air d'un patriarche campagnard.
Avant qu'il fut monte en voiture, elle etait pres de lui et lui
exposait sa demande.
"Le champ Guillot, dit-il, il y a eu de la batterie.
-- Non monsieur, c'est ma mere qui est malade, tres malade.
-- Qu'est-ce que c'est ta mere?
-- Nous sommes photographes."
Il mit le pied sur le marchepied.
Vivement elle tendit sa piece de quarante sous.
"Nous pouvons vous payer.
-- Alors, c'est trois francs."
Elle ajouta vingt sous a la piece; il prit le tout et le fourra
dans la poche de son gilet.
"Je serai pres de ta mere d'ici un quart d'heure."
Elle fit en courant le chemin du retour, joyeuse d'apporter la
bonne nouvelle:
"Il va te guerir, maman, c'est un vrai medecin celui-la."
Et vivement elle s'occupa de sa mere, lui lava le visage, les
mains, lui arrangea les cheveux qui etaient admirables, noirs et
soyeux, puis elle mit de l'ordr
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