, Frederic venait de
donner l'exemple des plus belles combinaisons strategiques. Mais des que
l'homme de genie disparait pour faire place aux hommes ordinaires, l'art de
la guerre retombe dans la circonspection et la routine. On combat
eternellement pour la defense ou l'attaque d'une ligne, on devient habile a
calculer les avantages d'un terrain, a y adapter chaque espece d'arme;
mais, avec tous ces moyens, on dispute pendant des annees entieres une
province qu'un capitaine hardi pourrait gagner en une manoeuvre; et cette
prudence de la mediocrite sacrifie plus de sang que la temerite du genie,
car elle consomme les hommes sans resultats. Ainsi avaient fait les savans
tacticiens de la coalition. A chaque bataillon ils en opposaient un autre;
ils gardaient toutes les routes menacees par l'ennemi; et tandis qu'avec
une marche hardie ils auraient pu detruire la revolution, ils n'osaient
faire un pas, de peur de se decouvrir. L'art de la guerre etait a
regenerer. Former une masse compacte, la remplir de confiance et d'audace,
la porter promptement au-dela d'un fleuve, d'une chaine de montagnes, et
venir frapper un ennemi qui ne s'y attend pas, en divisant ses forces, en
l'isolant de ses ressources, en lui prenant sa capitale, etait un art
difficile et grand qui exigeait du genie, et qui ne pouvait se developper
qu'au milieu de la fermentation revolutionnaire.
La revolution, en mettant en mouvement tous les esprits, prepara l'epoque
des grandes combinaisons militaires. D'abord elle suscita pour sa cause des
masses d'hommes enormes, et bien autrement considerables que toutes celles
qui furent jamais soulevees pour la cause des rois. Ensuite elle excita une
impatience de succes extraordinaires, degouta des combats lents et
methodiques, et suggera l'idee des irruptions soudaines et nombreuses sur
un meme point. De tous cotes on disait: il faut nous battre en masse.
C'etait le cri des soldats sur toutes les frontieres, et des jacobins dans
les clubs. Couthon, arrivant a Lyon, avait repondu a tous les raisonnemens
de Dubois-Crance, en disant qu'il fallait livrer l'assaut en masse. Enfin
Barrere avait fait un rapport habile et profond, ou il montrait que la
cause de nos revers etait dans les combats de detail. Ainsi, en formant des
masses, en les remplissant d'audace, en les affranchissant de toute
routine, en leur imprimant l'esprit et le courage des innovations, la
revolution prepara la renaissance de la grande guerre. Ce changem
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