accouraient dans les ports du Midi, et achetaient au plus
bas prix les matieres d'or et d'argent. Le numeraire avait donc reparu par
l'effet de ces lois terribles; et le parti des revolutionnaires ardens,
craignant que son apparition ne fut de nouveau nuisible au papier-monnaie,
voulait que le numeraire, qui, jusqu'ici, n'etait pas exclu de la
circulation, fut prohibe tout a fait; ils demandaient que la transmission
en fut interdite, et qu'on ordonnat a tous ceux qui en possedaient de se
presenter aux caisses publiques pour l'echanger contre des assignats.
La terreur avait presque fait cesser l'agiotage. Les speculations sur le
numeraire etaient, comme on vient de le voir, devenues impossibles. Le
papier etranger, frappe de reprobation, ne circulait plus comme deux mois
auparavant; et les banquiers, accuses de toutes parts d'etre les
intermediaires des emigres, et de se livrer a l'agiotage, etaient dans le
plus grand effroi. Pour un moment, le scelle avait ete mis chez eux, mais
on sentit bientot le danger d'interrompre les operations de la banque,
d'arreter ainsi la circulation de tous les capitaux, et on retira le
scelle. Neanmoins, l'effroi etait assez grand pour qu'on ne songeat plus a
aucune espece de speculation.
La compagnie des Indes venait enfin d'etre abolie. On a vu quelle intrigue
s'etait formee entre quelques deputes pour speculer sur les actions de
cette compagnie. Le baron de Batz, s'entendant avec Julien de Toulouse,
Delaunay d'Angers, et Chabot, voulait, par des motions effrayantes, faire
baisser les actions, les acheter alors, puis, par des motions plus douces,
les faire remonter, les revendre, et realiser les profits de cette hausse
frauduleuse. L'abbe d'Espagnac, que Julien favorisait aupres du comite des
marches, devait preter les fonds pour ces speculations. Ces miserables
reussirent, en effet, a faire tomber les actions de 4500 a 650 livres, et
recueillirent des profits considerables. Cependant on ne pouvait eviter la
suppression de la compagnie; alors ils se mirent a traiter avec elle pour
adoucir le decret de suppression. Delaunay et Julien de Toulouse le
discutaient avec ses directeurs, et leur disaient: "Si vous donnez telle
somme, nous presenterons tel decret; si non, nous en presenterons tel
autre." Ils convinrent d'une somme de cinq cent mille francs, moyennant
laquelle ils devaient, en proposant la suppression de la compagnie, qui
etait inevitable, lui faire attribuer a elle-meme le soin
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