? La cause des patriotes est comme celle des tyrans; ils
sont tous solidaires. Je me trompe peut-etre sur Danton; mais, vu dans sa
famille, il ne merite que des eloges. Sous les rapports politiques, je l'ai
observe; une difference d'opinion me le faisait etudier avec soin, souvent
avec colere; il ne s'est pas assez hate, je le sais, de soupconner
Dumouriez; il n'a pas assez hai Brissot et ses complices; mais s'il n'a pas
toujours ete de mon avis, en conclurai-je qu'il trahissait la patrie? Non,
je la lui ai toujours vu servir avec zele. Danton veut qu'on le juge; il a
raison. Qu'on me juge aussi! qu'ils se presentent ces hommes qui sont plus
patriotes que nous! Je parie que ce sont des nobles, des privilegies, des
pretres. Vous y trouverez un marquis, et vous aurez la juste mesure du
patriotisme des gens qui nous accusent."
Robespierre demande ensuite que tous ceux qui ont quelque reproche a faire
a Danton, prennent la parole. Personne ne l'ose. Momoro lui-meme, l'un des
amis d'Hebert, est le premier a s'ecrier que, personne ne se presentant,
c'est une preuve qu'il n'y a rien a dire contre Danton. Un membre demande
alors que le president lui donne l'accolade fraternelle. On y consent, et
Danton, s'approchant du bureau, recoit l'accolade au milieu des
applaudissemens universels.
La conduite de Robespierre dans cette circonstance avait ete genereuse et
habile. Le danger commun a tous les bons patriotes, l'ingratitude qui
payait les services de Danton, enfin une superiorite decidee, avaient
arrache Robespierre a son egoisme habituel; et, cette fois, plein de bons
sentimens, il avait ete plus eloquent qu'il n'etait donne a sa nature de
l'etre. Mais le service qu'il rendit a Danton fut plus utile a la cause du
gouvernement et des vieux patriotes qui le composaient, qu'a Danton
lui-meme, dont la popularite etait perdue. On ne refait pas l'enthousiasme,
et on ne pouvait pas presumer encore d'assez grands dangers publics pour
que Danton trouvat, par son courage, le moyen de regagner son influence.
Robespierre, poursuivant son ouvrage, ne manquait pas d'etre present a
chaque seance d'epuration. Le tour de Clootz arrive, on l'accuse de
liaisons avec les banquiers etrangers Vandeniver. Il essaie de se
justifier; mais Robespierre prend la parole. Il rappelle les liaisons de
Clootz avec les girondins, sa rupture avec eux par un pamphlet intitule:
_ni Roland ni Marat_, pamphlet dans lequel il n'attaquait pas moins la
Montagne que l
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