flotte. Mais les Anglais ne
leur en donnerent pas le temps. Ils se deciderent sur-le-champ a evacuer la
place, pour ne pas courir plus long-temps les chances d'une defense
difficile et perilleuse. Avant de se retirer, ils resolurent de bruler
l'arsenal, les chantiers, et les vaisseaux qu'ils ne pourraient pas
prendre. Le 18 et le 19, sans en prevenir l'amiral espagnol, sans avertir
meme la population compromise, qu'on allait la livrer aux montagnards
victorieux, les ordres furent donnes pour l'evacuation. Chaque vaisseau
anglais vint a son tour s'approvisionner a l'arsenal. Les forts furent
ensuite tous evacues, excepte le fort Lamalgue, qui devait etre le dernier
abandonne. Cette evacuation se fit meme si vite, que deux mille Espagnols,
prevenus trop tard, resterent hors des murs, et ne se sauverent que par
miracle. Enfin on donna l'ordre d'incendier l'arsenal. Vingt vaisseaux ou
fregates parurent tout a coup en flammes au milieu de la rade, et
exciterent le desespoir chez les malheureux habitans, et l'indignation chez
les republicains, qui voyaient bruler l'escadre sans pouvoir la sauver.
Aussitot, plus de vingt mille individus, hommes, femmes, vieillards,
enfans, portant ce qu'ils avaient de plus precieux, vinrent sur les quais,
tendant les mains vers les escadres, et implorant un asile pour se
soustraire a l'armee victorieuse. C'etaient toutes les familles provencales
qui, a Aix, Marseille, Toulon, s'etaient compromises dans le mouvement
sectionnaire. Pas une seule chaloupe ne se montrait a la mer pour secourir
ces imprudens Francais, qui avaient mis leur confiance dans l'etranger, et
qui lui avaient livre le premier port de leur patrie. Cependant l'amiral
Langara, plus humain, ordonna de mettre les chaloupes a la mer, et de
recevoir sur l'escadre espagnole tous les refugies qu'elle pourrait
contenir. L'amiral Hood n'osa pas resister a cet exemple et aux
imprecations qu'on vomissait contre lui. Il ordonna a son tour, mais fort
tard, de recevoir les Toulonnais. Ces malheureux se precipitaient avec
fureur dans les chaloupes. Dans cette confusion, quelques-uns tombaient a
la mer, d'autres etaient separes de leurs familles. On voyait des meres
cherchant leurs enfans, des epouses, des filles, cherchant leurs maris ou
leurs peres, et errant sur ces quais aux lueurs de l'incendie. Dans ce
moment terrible, des brigands, profitant du desordre pour piller, se
jettent sur les malheureux accumules le long des quais, et font feu en
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