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plus forts contre les ultra-revolutionnaires, commencaient a les poursuivre
par humeur personnelle et par haine. Camille avait deja attaque, comme on
l'a vu, Collot et Barrere. Dans sa lettre a Dillon, il avait adresse au
fanatisme dogmatique de Saint-Just, et a la durete monacale de Billaud, des
plaisanteries qui les blesserent profondement. Il avait enfin irrite
Robespierre aux Jacobins, et, tout en le louant beaucoup, il finit par se
l'aliener tout a fait. Danton leur etait peu agreable a tous par sa
renommee; et aujourd'hui, qu'etranger a la conduite des affaires, il
restait a l'ecart, censurant le gouvernement, et paraissant exciter la
plume caustique et _babillarde_[13] de Camille, il devait leur devenir
chaque jour plus odieux; et il n'etait pas supposable que Robespierre
s'exposat encore a le defendre.
Robespierre et Saint-Just, habitues a faire au nom du comite les exposes de
principes, et charges en quelque sorte de la partie morale du gouvernement,
tandis que Barrere, Carnot, Billaud et autres, s'acquittaient de la partie
materielle et administrative, Robespierre et Saint-Just firent deux
rapports, l'un _sur les principes de morale qui devaient diriger le
gouvernement revolutionnaire_, l'autre sur les detentions dont Camille
s'etait plaint dans _le Vieux Cordelier_. Il faut voir comment ces deux
esprits sombres concevaient le gouvernement revolutionnaire, et les moyens
de regenerer un etat.
"Le principe du gouvernement democratique, c'est la vertu, disait
Robespierre[14], et son moyen pendant qu'il s'etablit, c'est la terreur.
Nous voulons substituer, dans notre pays, la morale a l'egoisme, la probite
a l'honneur, les principes aux usages, les devoirs aux bienseances,
l'empire de la raison a la tyrannie de la mode, le mepris du vice au mepris
du malheur, la fierte a l'insolence, la grandeur d'ame a la vanite, l'amour
de la gloire a l'amour de l'argent, les bonnes gens a la bonne compagnie,
le merite a l'intrigue, le genie au bel esprit, la verite a l'eclat, le
charme du bonheur aux ennuis de la volupte, la grandeur de l'homme a la
petitesse des grands; un peuple magnanime, puissant, heureux, a un peuple
aimable, frivole et miserable; c'est-a-dire toutes les vertus et tous les
miracles de la republique a tous les vices et a tous les ridicules de la
monarchie."
Pour atteindre a ce but, il fallait un gouvernement austere, energique, qui
surmontat les resistances de toute espece. Il y avait, d'une part,
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