urent pas assez les souffrances
individuelles des victimes, et semblent ne pas y croire parce qu'ils ne les
voient pas.
Le lendemain 13 germinal, les accuses furent conduits au tribunal au nombre
de quinze. On avait reuni ensemble les cinq chefs moderes, Danton,
Herault-Sechelles, Camille, Philippeau, Lacroix; les quatre accuses de
faux, Chabot, Bazire, Delaunay, Fabre-d'Eglantine; les deux beaux-freres de
Chabot, Junius et Emmanuel Frey; le fournisseur d'Espagnac, le malheureux
Westermann, accuse d'avoir partage la corruption et les complots de Danton;
enfin deux etrangers, amis des accuses, l'Espagnol Gusman, et le Danois
Diederichs. Le but du comite, en faisant cet amalgame, etait de confondre
les moderes avec les corrompus et avec les etrangers, pour prouver toujours
que la moderation provenait a la fois du defaut de vertu republicaine et de
la seduction de l'or de l'etranger. La foule accourue pour voir les accuses
etait immense. Un reste de l'interet qu'avait inspire Danton s'etait
reveille en sa presence. Fouquier-Tinville, les juges et les jures, tous
revolutionnaires subalternes tires du neant par sa main puissante, etaient
embarrasses en sa presence: son assurance, sa fierte, leur imposaient, et
il semblait plutot l'accusateur que l'accuse. Le president Hermann et
Fouquier-Tinville, au lieu de tirer les jures au sort, comme le voulait la
loi, firent un choix, et prirent ce qu'ils appelaient _les solides_. On
interrogea ensuite les accuses. Quand on adressa a Danton les questions
d'usage sur son age et son domicile, il repondit fierement qu'il avait
trente-quatre ans, et que bientot son nom serait au Pantheon, et lui dans
le neant. Camille repondit qu'il avait trente-trois ans, l'age du
_sans-culotte Jesus-Christ lorsqu'il mourut_. Bazire en avait vingt-neuf.
Herault-Sechelles, Philippeau, en avaient trente-quatre. Ainsi le talent,
le courage, le patriotisme, la jeunesse, tout se trouvait encore reuni dans
ce nouvel holocauste, comme dans celui des girondins.
Danton, Camille, Herault-Sechelles et les autres, se plaignirent de voir
leur cause confondue avec celle de plusieurs faussaires. Cependant on passa
outre. On examina d'abord l'accusation dirigee contre Chabot, Bazire,
Delaunay et Fabre d'Eglantine. Chabot persista dans son systeme, et soutint
qu'il n'avait pris part a la conspiration des agioteurs que pour la
devoiler. Il ne persuada personne, car il etait etrange qu'en y entrant, il
n'eut pas secreteme
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