l'ignorance brutale, avide, qui ne voulait dans la republique que des
bouleversemens; de l'autre, la corruption lache et vile qui voulait tous
les delices de l'ancien luxe, et qui ne pouvait pas se resoudre aux vertus
energiques de la democratie. De la, deux factions: l'une qui voulait
outrer toute chose, qui poussait tout au-dela des bornes; qui, pour
attaquer la superstition, cherchait a detruire Dieu meme, et a verser des
torrens de sang sous pretexte de venger la republique; l'autre qui, faible
et vicieuse, ne se sentait pas assez _vertueuse pour etre si terrible_, et
s'apitoyait lachement sur tous les sacrifices necessaires qu'exigeait
l'etablissement de la vertu. L'une de ces factions, disait Saint-Just[15],
voulait CHANGER LA LIBERTE EN BACCHANTE, L'AUTRE EN PROSTITUEE.
Robespierre et Saint-Just enumeraient les folies de quelques agens du
gouvernement revolutionnaire, de deux ou trois procureurs de communes, qui
avaient pretendu renouveler l'energie de Marat, et ils faisaient ainsi
allusion a toutes les folies d'Hebert et des siens. Ils signalaient ensuite
les torts de faiblesse, de complaisance, de sensibilite, imputes aux
nouveaux moderes; ils leur reprochaient de s'apitoyer sur des veuves de
generaux, sur des intrigantes de l'ancienne noblesse, sur des aristocrates,
de parler enfin sans cesse des severites de la republique, bien inferieures
aux cruautes des monarchies. "Vous avez, disait Saint-Just, cent mille
detenus, et le tribunal revolutionnaire a condamne deja trois cents
coupables. Mais sous la monarchie vous aviez quatre cent mille
prisonniers; on pendait par an quinze mille contrebandiers, on rouait trois
mille hommes; et aujourd'hui meme il y a en Europe quatre millions de
prisonniers dont vous n'entendez pas les cris, tandis que votre moderation
parricide laisse triompher tous les ennemis de votre gouvernement! Nous
nous accablons de reproches, et les rois, mille fois plus cruels que nous,
dorment dans le crime."
Robespierre et Saint-Just, conformement au systeme convenu, ajoutaient que
ces deux factions, en apparence opposees, avaient un point d'appui commun,
l'etranger, qui les faisait agir pour perdre la republique.
On voit ce qu'il entrait a la fois de fanatisme, de politique et de haine
dans le systeme du comite. Camille par des allusions, et meme par des
expressions directes, se trouvait attaque lui et ses amis. Il repondait,
dans son _Vieux Cordelier_, au systeme de la vertu par celui du b
|