vos principes, jusqu'a vouloir accorder aujourd'hui a certains individus ce
que vous avez naguere refuse a Chabot, Delaunay et Fabre-d'Eglantine?
Pourquoi cette difference en faveur de quelques hommes? Que m'importent a
moi les eloges qu'on se donne a soi et a ses amis?... Une trop grande
experience nous a appris a nous defier de ces eloges. Il ne s'agit plus de
savoir si un homme a commis tel ou tel acte patriotique, mais quelle a ete
toute sa carriere.
"Legendre parait ignorer le nom de ceux qui sont arretes. Toute la
convention les connait. Son ami Lacroix est du nombre des detenus; pourquoi
Legendre feint-il de l'ignorer? Parce qu'il sait bien qu'on ne peut, sans
impudeur, defendre Lacroix. Il a parle de Danton, parce qu'il croit qu'a ce
nom sans doute est attache un privilege.... Non, nous ne voulons pas de
privileges, nous ne voulons point d'idoles!..."
A ces derniers mots, des applaudissemens eclatent, et les laches, tremblant
en ce moment devant une idole, applaudissent neanmoins au renversement de
celle qui n'est plus a craindre. Robespierre continue: "En quoi Danton
est-il superieur a Lafayette, a Dumouriez, a Brissot, a Fabre, a Chabot, a
Hebert? Que ne dit-on de lui qu'on ne puisse dire d'eux? Cependant les
avez-vous menages? On vous parle du despotisme des comites, comme si la
confiance que le peuple vous a donnee, et que vous avez transmise a ces
comites, n'etait pas un sur garant de leur patriotisme. On affecte des
craintes; mais, je le dis, quiconque tremble en ce moment est coupable, car
jamais l'innocence ne redoute la surveillance publique."
Ici, nouveaux applaudissemens de ces memes laches qui tremblent, et
veulent prouver qu'ils n'ont pas peur. "Et moi aussi, ajoute Robespierre,
on a voulu m'inspirer des terreurs. On a voulu me faire croire qu'en
approchant de Danton, le danger pouvait arriver jusqu'a moi. On m'a ecrit.
Les amis de Danton m'ont fait parvenir des lettres, m'ont obsede de leurs
discours; ils ont cru que le souvenir d'une vieille liaison, qu'une foi
ancienne dans de fausses vertus, me determineraient a ralentir mon zele et
ma passion pour la liberte. Eh bien! je declare que si les dangers de
Danton devaient devenir les miens, cette consideration ne m'arreterait pas
un instant. C'est ici qu'il nous faut a tous quelque courage et quelque
grandeur d'ame. Les ames vulgaires ou les hommes coupables craignent
toujours de voir tomber leurs semblables, parce que, n'ayant plus devant
eux
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