amenerent la cloture d'une grande quantite de
boutiques. En fixant un tarif pour les marchandises de premiere necessite,
on n'avait atteint que la marchandise rendue chez le detaillant, et prete a
passer des mains de celui-ci dans celles du consommateur. Mais le
detaillant qui l'avait achetee chez le marchand en gros ou chez le
fabricant, avant le _maximum_, et a un prix superieur a celui du nouveau
tarif, faisait des pertes enormes et se plaignait amerement. Les pertes
n'etaient pas moindres pour lui, meme lorsqu'il avait achete apres le
_maximum_. En effet, dans le tarif des marchandises dites de premiere
necessite, on ne les designait que deja tout ouvrees et pretes a etre
consommees, et on ne fixait leur prix que parvenues a ce dernier etat. Mais
on ne disait pas quel prix elles devaient avoir, sous forme de matiere
premiere, quel prix il fallait payer a l'ouvrier qui les travaillait, au
roulier, au navigateur qui les transportaient; par consequent le
detaillant, qui etait oblige de vendre au consommateur selon le tarif, et
qui ne pouvait traiter avec l'ouvrier, le fabricant, le commercant en gros,
d'apres ce meme tarif, etait dans l'impossibilite de continuer un commerce
aussi desavantageux. La plupart des marchands fermaient leurs boutiques, ou
bien echappaient a la loi par la fraude; ils ne vendaient au maximum que la
plus mauvaise marchandise, et reservaient la bonne pour ceux qui venaient
secretement la payer sa valeur.
Le peuple, qui s'apercevait de ces fraudes, et voyait se fermer un grand
nombre de boutiques, se dechainait avec fureur, et venait assaillir la
commune de ses reclamations; il voulait qu'on obligeat tous les marchands a
tenir leurs boutiques ouvertes, et a continuer leur commerce malgre eux.
Dispose a se plaindre de tout, il denoncait les bouchers et les
charcutiers, qui achetaient des animaux malsains ou morts d'accidens, et
qui ne saignaient pas assez les viandes dans l'intention de les rendre plus
pesantes; les boulangers, qui, pour fournir de la belle farine au riche,
reservaient la mauvaise au pauvre, et ne faisaient pas assez cuire le pain
afin qu'il pesat davantage; les marchands de vin, qui melaient aux boissons
les drogues les plus malfaisantes; les marchands de sel, qui pour augmenter
le poids de cette denree, en alteraient la qualite; les epiciers, tous les
detaillans enfin, qui falsifiaient les denrees de mille manieres.
De ces abus, les uns etaient eternels, les autres tenaient a
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