la crise
actuelle, mais, quand l'impatience du mal saisit les esprits, on se plaint
de tout, on veut tout reformer, tout punir.
Le procureur-general Chaumette fit a ce sujet un discours fulminant contre
les marchands.
"On se rappelle, dit-il, qu'en 89, et les annees suivantes, tous ces hommes
ont fait un tres grand commerce, mais avec qui? avec l'etranger. On sait
que ce sont eux qui ont fait tomber les assignats, et que c'est au moyen de
l'agiotage sur le papier-monnaie qu'ils se sont enrichis. Qu'ont-ils fait
apres que leur fortune a ete complete? Ils se sont retires du commerce, ils
ont menace le peuple de la penurie des marchandises; mais s'ils ont de
l'or et des assignats, la republique a quelque chose de plus precieux, elle
a des bras. Ce sont des bras et non pas de l'or qu'il faut pour faire
mouvoir les fabriques et les manufactures. Eh bien! si ces individus
abandonnent les fabriques, la republique s'en emparera, et elle mettra en
requisition toutes les matieres premieres. Qu'ils sachent qu'il depend de
la republique de reduire, quand elle le voudra, en boue et en cendres, l'or
et les assignats qui sont en leurs mains. Il faut que le geant du peuple
ecrase les speculateurs mercantiles.
"Nous sentons les maux du peuple, parce que nous sommes peuple nous-memes.
Le conseil tout entier est compose de sans-culottes, il est le
legislateur-peuple. Peu nous importe que nos tetes tombent, pourvu que la
posterite daigne ramasser nos cranes.... Ce n'est pas l'Evangile que
j'invoquerai, c'est Platon. Celui qui frappera du glaive, dit ce
philosophe, perira par le glaive; celui qui frappera du poison, perira par
le poison; la famine etouffera celui qui voudrait affamer le peuple.... Si
les subsistances et les marchandises viennent a manquer, a qui s'en prendra
le peuple? aux autorites constituees? non.... A la convention? non.... Il
s'en prendra aux fournisseurs et aux approvisionneurs. Rousseau etait
peuple aussi, et il disait: _Quand le peuple n'aura plus rien a manger, il
mangera le riche_." (Commune du 14 octobre.)
Les moyens forces conduisent aux moyens forces, comme nous l'avons dit
ailleurs. On s'etait occupe, dans les premieres lois, de la marchandise
ouvree, il fallait maintenant passer a la matiere premiere; l'idee meme de
s'emparer de la matiere premiere et de l'ouvrer pour le compte de la
republique, germait dans les tetes. C'est une redoutable obligation que
celle de violenter la nature, et de vouloir regl
|