urtriere. Dans sa
poche etait renferme un ecrit sur sa vie et sur sa conduite au ministere.
Ainsi, dans cet epouvantable delire qui rendait suspects et le genie, et la
vertu, et le courage, tout ce qu'il y avait de plus noble, de plus genereux
en France, perissait ou par le suicide ou par le fer des bourreaux!
[Illustration: BAILLY.]
Entre tant de morts illustres et courageuses, il y en eut une surtout plus
lamentable et plus sublime que toutes les autres, ce fut celle de Bailly.
Deja on avait pu voir, a la maniere dont il avait ete traite dans le proces
de la reine, comment il serait accueilli au tribunal revolutionnaire. La
scene du Champ-de-Mars, la proclamation de la loi martiale et la fusillade
qui s'en etait suivie, etaient les evenemens le plus souvent et le plus
amerement reproches au parti constituant. C'etait sur Bailly, l'ami de
Lafayette, c'etait sur le magistrat qui avait fait deployer le drapeau
rouge, qu'on voulait punir tous les pretendus forfaits de la constituante.
Il fut condamne, et dut etre execute au Champ-de-Mars, theatre de ce qu'on
appelait son crime. Ce fut le 11 novembre, et par un temps froid et
pluvieux, qu'eut lieu son supplice. Conduit a pied, et au milieu des
outrages d'une populace barbare, qu'il avait nourrie pendant qu'il etait
maire, il demeura calme et d'une serenite inalterable. Pendant le long
trajet de la Conciergerie au Champ-de-Mars, on lui agitait sous le
visage le drapeau rouge qu'on avait retrouve a la mairie, enferme dans un
etui en acajou. Arrive au pied de l'echafaud, il semblait toucher au terme
de son supplice; mais un des forcenes, attaches a le poursuivre, s'ecrie
qu'il ne faut pas que le champ de la federation soit souille de son sang.
Alors on se precipite sur la guillotine, on la transporte avec le meme
empressement qu'on mit autrefois a creuser ce meme champ de la federation;
on court l'elever enfin sur le bord de la Seine, sur un tas d'ordures, et
vis-a-vis le quartier de Chaillot, ou Bailly avait passe sa vie et compose
ses ouvrages. Cette operation dure plusieurs heures. Pendant ce temps, on
lui fait parcourir plusieurs fois le Champ-de-Mars. La tete nue, les mains
derriere le dos, il se traine avec peine. Les uns lui jettent de la boue,
d'autres lui donnent des coups de pied ou de baton. Accable, il tombe; on
le releve de nouveau. La pluie, le froid, ont communique a ses membres un
tremblement involontaire. "Tu trembles," lui dit un soldat.--"Mon ami,
repon
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