esse. Il ne se repentit pas d'avoir quitte le monde;
mais, ne pouvant se resoudre a vivre seul, il prit le parti de se
marier, et de trouver, s'il etait possible, une femme qui partageat son
gout pour le repos et pour la vie sedentaire qu'il etait decide a mener.
Il ne voulait point que sa femme fut belle; il ne la voulait pas laide,
non plus; il desirait qu'elle eut de l'instruction et de l'intelligence,
avec le moins d'esprit possible; ce qu'il recherchait par-dessus tout,
c'etait de la gaiete et une humeur egale, qu'il regardait, dans une
femme, comme les premieres des qualites.
La fille d'un negociant retire, qui demeurait dans le voisinage, lui
plut. Comme le chevalier ne dependait de personne, il ne s'arreta pas a
la distance qu'il y avait entre un gentilhomme et la fille d'un
marchand. Il adressa a la famille une demande qui fut accueillie avec
empressement. Il fit sa cour pendant quelques mois, et le mariage fut
conclu.
Jamais alliance ne fut formee sous de meilleurs et de plus heureux
auspices. A mesure qu'il connut mieux sa femme, le chevalier decouvrit
en elle de nouvelles qualites et une douceur de caractere inalterable.
Elle, de son cote, se prit pour son mari d'un amour extreme. Elle ne
vivait qu'en lui, ne songeait qu'a lui complaire, et, bien loin de
regretter les plaisirs de son age qu'elle lui sacrifiait, elle
souhaitait que son existence entiere put s'ecouler dans une solitude
qui, de jour en jour, lui devenait plus chere.
Cette solitude n'etait cependant pas complete. Quelques voyages a la
ville, la visite reguliere de quelques amis y faisaient diversion de
temps en temps. Le chevalier ne refusait pas de voir frequemment les
parents de sa femme, en sorte qu'il semblait a celle-ci qu'elle n'avait
pas quitte la maison paternelle. Elle sortait souvent des bras de son
mari pour se retrouver dans ceux de sa mere, et jouissait ainsi d'une
faveur que la Providence accorde a bien peu de gens, car il est rare
qu'un bonheur nouveau ne detruise pas un ancien bonheur.
M. des Arcis n'avait pas moins de douceur et de bonte que sa femme; mais
les passions de sa jeunesse, l'experience qu'il paraissait avoir faite
des choses de ce monde, lui donnaient parfois de la melancolie. Cecile
(ainsi se nommait madame des Arcis) respectait religieusement ces
moments de tristesse. Quoiqu'il n'y eut en elle, a ce sujet, ni
reflexion ni calcul, son coeur l'avertissait aisement de ne pas se
plaindre de ces legers nuages
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