is en etre
puni aujourd'hui par le spectacle du malheur de ma fille, je ne saurais
m'en plaindre; quelque penible que soit pour moi ce spectacle, je dois
m'y resoudre et m'y condamner. Ce chatiment m'est du. Que la fille me
punisse d'avoir abandonne la mere! J'irai a Paris, je verrai cet enfant.
J'ai delaisse ce que j'aimais, je me suis eloigne du malheur; je veux
prendre maintenant un amer plaisir a le contempler.
Dans un joli boudoir boise, a l'entre-sol d'un bon hotel situe dans le
faubourg Saint-Germain, se tenaient la jeune femme et son mari lorsque
le pere et l'oncle arriverent. Sur une table etaient des dessins, des
livres, des gravures. Le mari lisait, la femme brodait, l'enfant jouait
sur le tapis.
Le marquis s'etait leve; Camille courut a son pere, qui l'embrassa
tendrement, et ne put retenir quelques larmes; mais les regards du
chevalier se reporterent aussitot sur l'enfant. Malgre lui, l'horreur
qu'il avait eue autrefois pour l'infirmite de Camille reprenait place
dans son coeur, a la vue de cet etre qui allait heriter de la malediction
qu'il lui avait leguee. Il recula lorsqu'on le lui presenta.
--Encore un muet! s'ecria-t-il.
Camille prit son fils dans ses bras; sans entendre elle avait compris.
Soulevant doucement l'enfant devant le chevalier, elle posa son doigt
sur ses petites levres, en les frottant un peu, comme pour l'inviter a
parler. L'enfant se fit prier quelques minutes, puis prononca bien
distinctement ces deux mots, que la mere lui avait fait apprendre
d'avance:--Bonjour, papa.
--Et vous voyez bien que Dieu pardonne tout, et toujours, dit l'oncle
Giraud.
FIN DE PIERRE ET CAMILLE.
LE
SECRET DE JAVOTTE
1844
[Illustration: LE SECRET DE JAVOTTE
... deux jeunes gens, revenant de la chasse suivaient a cheval la route
de Noisy...]
I
L'automne dernier, vers huit heures du soir, deux jeunes gens revenant
de la chasse suivaient a cheval la route de Noisy, a quelque distance de
Luzarches. Derriere eux marchait un piqueur menant les chiens. Le soleil
se couchait et dorait au loin la belle foret de Carenelle, ou le feu duc
de Bourbon aimait a chasser. Tandis que le plus jeune des deux
cavaliers, age d'environ vingt-cinq ans, trottait gaiement sur sa
monture, et s'amusait a sauter les haies, l'autre paraissait distrait et
preoccupe. Tantot il excitait son cheval et le frappait avec impatience,
tantot il s'arretait tout a coup et restait au pas en arriere, comme
ab
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