le qu'elle semblait n'avoir rien d'emprunte, tu ne feras qu'y
perdre ta peine. J'ai eu un mouvement de colere, il est vrai, pour une
bagatelle, une querelle d'amour-propre, une bouderie, comme tu voudras
l'appeler. La Bretonniere m'a ennuye; la marquise etait de mauvaise
humeur; l'orage m'a contrarie; je suis revenu je ne sais pourquoi, et je
t'ai parle sans savoir ce que je disais. Je conviendrai bien, si tu
veux, qu'il y a un peu de froid entre la marquise et moi; mais, a la
premiere occasion, tu nous verras amis comme devant.
--Tout cela est bel et bon, repliquait Armand, mais tu ne parlais pas
hier par enigme, quand tu m'as dit: C'est la derniere des femmes. Il n'y
a la mauvaise humeur qui tienne. Quelque chose est arrive que tu caches.
--Et que veux-tu qu'il me soit arrive? demandait Tristan.
A cette question, Armand baissait la tete, et restait muet; car en
pareille circonstance, du moment que son frere se taisait, toute
supposition, meme faite en plaisantant, pouvait etre aisement blessante.
Vers le milieu de la journee, une caleche decouverte entra dans la cour
des Clignets. Un petit homme d'assez mauvaise tournure, a l'air gauche
et endimanche, descendit aussitot de la voiture, baissa lui-meme le
marchepied et presenta la main a une grande et belle femme, mise
simplement et avec gout. C'etait madame de Vernage et la Bretonniere qui
venaient faire visite a la baronne. Tandis qu'ils montaient le perron,
ou madame de Berville vint les recevoir, Armand observa le visage de son
frere avec un peu de surprise et beaucoup d'attention. Mais Tristan le
regarda en souriant, comme pour lui dire: Tu vois qu'il n'y a rien de
nouveau.
A la tournure aisee que prit la conversation, aux politesses froides,
mais sans nulle contrainte, qu'echangerent Tristan et la marquise, il ne
semblait pas, en effet, que rien d'extraordinaire se fut passe la
veille. La marquise apportait a madame de Berville, qui aimait les
oiseaux, un nid de rouges-gorges; la Bretonniere l'avait dans son
chapeau. On descendit dans le jardin et on alla voir la voliere. La
Bretonniere, bien entendu, donna le bras a la baronne; les deux jeunes
gens resterent pres de madame de Vernage. Elle paraissait plus gaie que
de coutume; elle marchait au hasard de cote et d'autre sans respect pour
les buis de la baronne, et tout en se faisant un bouquet au passage.
--Eh bien! messieurs, dit-elle, quand chassons-nous?
Armand attendait cette question pour entendre
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