maintenant de
vous avoir rapporte votre robe.
--Ma robe? Ou l'avez-vous trouvee?
--Ou elle etait, apparemment.
--Et vous l'avez tiree de l'esclavage?
--Eh, mon Dieu! oui, j'ai paye sa rancon. M'en voulez-vous de cette
audace?
--Non pas! a charge de revanche. Je suis bien aise de revoir ma robe;
car, a vous dire vrai, voila deja longtemps que nous vivons toutes les
deux ensemble, et je m'y suis attachee insensiblement.
En parlant ainsi, mademoiselle Pinson montait lestement les cinq etages
qui conduisaient a sa chambrette, ou les deux amis entrerent avec elle.
--Je ne puis pourtant, reprit Marcel, vous rendre cette robe qu'a une
condition.
--Fi donc! dit la grisette. Quelque sottise! Des conditions? je n'en
veux pas.
--J'ai fait un pari, dit Marcel; il faut que vous nous disiez
franchement pourquoi cette robe etait en gage.
--Laissez-moi donc d'abord la remettre, repondit mademoiselle Pinson; je
vous dirai ensuite mon pourquoi. Mais je vous previens que, si vous ne
voulez pas faire antichambre dans mon armoire ou sur la gouttiere, il
faut, pendant que je vais m'habiller, que vous vous voiliez la face
comme Agamemnon.
--Qu'a cela ne tienne, dit Marcel; nous sommes plus honnetes qu'on ne
pense, et je ne hasarderai pas meme un oeil.
--Attendez, reprit mademoiselle Pinson; je suis pleine de confiance,
mais la sagesse des nations nous dit que deux precautions valent mieux
qu'une.
En meme temps elle se debarrassa de son rideau, et l'etendit
delicatement sur la tete des deux amis, de maniere a les rendre
completement aveugles.
--Ne bougez pas, leur dit-elle; c'est l'affaire d'un instant.
--Prenez garde a vous, dit Marcel. S'il y a un trou au rideau, je ne
reponds de rien. Vous ne voulez pas vous contenter de notre parole, par
consequent elle est degagee.
--Heureusement ma robe l'est aussi, dit mademoiselle Pinson; et ma
taille aussi, ajouta-t-elle en riant et en jetant le rideau par terre.
Pauvre petite robe! il me semble qu'elle est toute neuve. J'ai un
plaisir a me sentir dedans!
--Et votre secret? nous le direz-vous maintenant? Voyons, soyez sincere,
nous ne sommes pas bavards. Pourquoi et comment une jeune personne comme
vous, sage, rangee, vertueuse et modeste, a-t-elle pu accrocher ainsi,
d'un seul coup, toute sa garde-robe a un clou?
-Pourquoi?... pourquoi?... repondit mademoiselle Pinson, paraissant
hesiter. Puis elle prit les deux jeunes gens chacun par un bras, et leur
dit e
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