e pardon, madame, mais de qui parlez-vous?
--Vous le savez bien.
--Pas le moins du monde.
--Oh! si fait.
--Point du tout.
--Toute la cour le sait.
--Je ne suis pas de la cour.
--Vous faites l'enfant. Je vous dis qu'on le sait.
--Cela se peut, madame, mais je l'ignore.
--Vous n'ignorez pas, cependant, qu'avant-hier un page est tombe de
cheval a la grille de Trianon. N'etiez-vous pas la, par hasard?
--Oui, madame.
--Ne l'avez-vous pas aide a se relever?
--Oui, madame.
--Et n'etes-vous pas entre au chateau?
--Sans doute.
--Et ne vous a-t-on pas donne un papier?
--Oui, madame.
--Et ne l'avez-vous pas porte au roi?
--Assurement.
--Le roi n'etait pas a Trianon; il etait a la chasse, la marquise etait
seule,... n'est-ce pas?
--Oui, madame.
--Elle venait de se reveiller; elle etait a peine vetue, excepte, a ce
qu'on dit, d'un grand peignoir.
--Les gens qu'on ne peut pas empecher de parler disent ce qui leur passe
par la tete.
--Fort bien, mais il parait qu'il a passe entre sa tete et la votre un
regard qui ne l'a pas fachee.
--Qu'entendez-vous par la, madame?
--Que vous ne lui avez pas deplu.
--Je n'en sais rien, et je serais au desespoir qu'une bienveillance si
douce et si rare, a laquelle je ne m'attendais pas, qui m'a touche
jusqu'au fond du coeur, put devenir la cause d'un mauvais propos.
--Vous prenez feu bien vite, chevalier; on croirait que vous allez
provoquer toute la cour; vous ne finirez jamais de tuer tant de monde.
--Mais, madame, si ce page est tombe, et si j'ai porte son message....
Permettez-moi de vous demander pourquoi je suis interroge.
Le masque lui serra le bras et lui dit:--Monsieur, ecoutez.
--Tout ce qui vous plaira, madame.
--Voici a quoi nous pensons, maintenant. Le roi n'aime plus la marquise,
et personne ne croit qu'il l'ait jamais aimee. Elle vient de commettre
une imprudence; elle s'est mis a dos tout le parlement, avec ses deux
sous d'impot, et aujourd'hui elle ose attaquer une bien plus grande
puissance, la compagnie de Jesus. Elle y succombera; mais elle a des
armes, et, avant de perir, elle se defendra.
--Eh bien! madame, qu'y puis-je faire?
--Je vais vous le dire. M. de Choiseul est a moitie brouille avec M. de
Bernis; ils ne sont surs, ni l'un ni l'autre, de ce qu'ils voudraient
essayer. Bernis va s'en aller, Choiseul prendra sa place; un mot de vous
peut en decider.
--En quelle facon, madame, je vous prie?
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