aise, dit-il a son frere.
Le soir venu, les deux jeunes gens prirent la poste ensemble, et
allerent coucher a Paris. Madame de Berville, toujours inquiete et
toujours indulgente, comme une vraie mere qu'elle etait, fit semblant de
croire aux raisons qu'ils pretendirent avoir pour partir. Des le
lendemain matin, comme on le pense bien, leur premier soin fut d'aller
demander M. de Saint-Aubin, capitaine de dragons, rue
Neuve-Saint-Augustin, a l'hotel garni ou il logeait habituellement quand
il etait en conge.
--Dieu veuille que nous le trouvions! disait Armand. Il est peut-etre en
garnison bien loin.
--Quand il serait a Alger, repondait Tristan, il faut qu'il parle, ou du
moins qu'il ecrive; j'y mettrai six mois, s'il le faut, mais je le
trouverai, ou il dira pourquoi.
Le garcon de l'hotel etait un Anglais, chose fort commode peut-etre pour
les sujets de la reine Victoria curieux de visiter Paris, mais assez
genante pour les Parisiens. A la premiere parole de Tristan, il repondit
par l'exclamation la plus britannique:
--Oh!
--Voila qui est bien, dit Armand, plus impatient encore que son frere;
mais M. de Saint-Aubin est-il ici?
--Oh! no.
--N'est-ce pas dans cette maison qu'il demeure?
--Oh! yes.
--Il est donc sorti?
--Oh! no.
--Expliquez-vous. Peut-on lui parler?
--No, sir, impossible.
--Pourquoi, impossible?
--Parce qu'il est... Comment dites-vous?
--Il est malade.
--Oh! no, il est mort.
III
Il serait difficile de peindre l'espece de consternation qui frappa
Tristan et son frere en apprenant la mort de l'homme qu'ils avaient un
si grand desir de retrouver. Ce n'est jamais, quoi qu'on en dise, une
chose indifferente que la mort. On ne la brave pas sans courage, on ne
la voit pas sans horreur, et il est meme douteux qu'un gros heritage
puisse rendre vraiment agreable sa hideuse figure, dans le moment ou
elle se presente. Mais quand elle nous enleve subitement quelque bien ou
quelque esperance, quand elle se mele de nos affaires et nous prend dans
les mains ce que nous croyons tenir, c'est alors surtout qu'on sent sa
puissance, et que l'homme reste muet devant le silence eternel.
Saint-Aubin avait ete tue en Algerie, dans une razzia. Apres s'etre fait
raconter, tant bien que mal, par les gens de l'hotel, les details de cet
evenement, les deux freres reprirent tristement le chemin de la maison
qu'ils habitaient a Paris.
--Que faire maintenant? dit Tristan; je croyai
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