la ne sera pas.
--Je t'aime beaucoup, mais cela sera.
En parlant ainsi, les deux freres arriverent chez Fossin. Tristan, ne
voulant pas que Javotte put se repentir de son marche, choisit pour elle
une jolie chatelaine qu'il fit envelopper avec soin, ayant dessein de la
porter lui-meme et d'attendre la reponse, s'il n'etait pas recu. Armand,
ayant autre chose en tete et voyant son frere plus joyeux encore a
l'idee de revenir promptement avec le bracelet en question, ne lui
proposa pas de l'accompagner. Il fut convenu qu'ils se retrouveraient le
soir.
Au moment ou ils allaient se separer, la roue d'une caleche decouverte,
courant avec un assez grand fracas, rasa le trottoir de la rue
Richelieu. Une livree bizarre, qui attirait les yeux, fit retourner les
passants. Dans cette voiture etait madame de Vernage, seule,
nonchalamment etendue. Elle apercut les deux jeunes gens, et les salua
d'un petit signe de tete, avec une indolence protectrice.
--Ah! dit Tristan, palissant malgre lui, il parait que l'ennemi est venu
observer la place. Elle a renonce a sa fameuse chasse, cette belle dame,
pour faire un tour aux Champs-Elysees et respirer la poussiere de Paris.
Qu'elle aille en paix! elle arrive a point. Je suis vraiment flatte de
la voir ici. Si j'etais un fat, je croirais qu'elle vient savoir de mes
nouvelles. Mais point du tout; regarde avec quel laisser-aller
aristocratique, superieur meme a celui de Javotte, elle a daigne nous
remarquer. Gageons qu'elle ne sait ce qu'elle vient faire; ces femmes-la
cherchent le danger, comme les papillons la lumiere. Que son sommeil de
ce soir lui soit leger! Je me presenterai demain a son petit lever, et
nous en aurons des nouvelles. Je me fais une veritable fete de vaincre
un tel orgueil avec de telles armes. Si elle savait que j'ai la, dans
mes mains, un petit cadeau pour une petite fille, moyennant quoi je suis
en droit de lui dire: Vos belles levres en ont menti et vos baisers
sentent la calomnie; que dirait-elle? Elle serait peut-etre moins
superbe, non pas moins belle... Adieu, mon cher, a ce soir.
Si Armand n'avait pas plus longuement insiste pour dissuader son frere
de se battre, ce n'etait pas qu'il crut impossible de l'en empecher;
mais il le savait trop violent, surtout dans un moment pareil, pour
essayer de le convaincre par la raison; il aimait mieux prendre un autre
moyen. La Bretonniere, qu'il connaissait de longue main, lui paraissait
avoir un caractere plus calm
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