ut, et la revolution survint.
Enfin le 24 juillet 1792, un arret definitif cassa le jugement du
Chatelet et interdit au nomme Joseph de porter a l'avenir le nom de
Solar. M. Bouilli a ecrit sur ce sujet un drame en cinq actes intitule
_l'Abbe de l'Epee_, qui a obtenu dans son temps un succes de larmes.]
Ce marquis, sourd-muet, observant et comprenant les autres, aussi fier
qu'eux tous, et qui avait aussi, aupres de son gouverneur, sur les
grands parquets de Versailles, traine ses talons rouges a fleur de
terre, selon l'usage, etait lorgne par plus d'une jolie femme, mais il
ne quittait pas des yeux Camille; de son cote, elle le voyait tres bien,
sans le regarder davantage. L'opera fini, elle prit le bras de son
oncle, et, n'osant pas se retourner, rentra pensive.
VIII
Il va sans dire que ni Camille ni l'oncle Giraud ne savaient seulement
le nom de l'abbe de l'Epee; encore moins se doutaient-ils de la
decouverte d'une science nouvelle qui faisait parler les muets. Le
chevalier aurait pu connaitre cette decouverte; sa femme l'eut
certainement connue si elle eut vecu; mais Chardonneux etait loin de
Paris; le chevalier ne recevait pas la gazette, ou, s'il la recevait, ne
la lisait pas. Ainsi quelques lieues de distance, un peu de paresse, ou
la mort, peuvent produire le meme resultat.
Revenue au logis, Camille n'avait plus qu'une idee: ce que ses gestes et
ses regards pouvaient dire, elle l'employa pour expliquer a son oncle
qu'il lui fallait, avant tout, une ardoise et un crayon. Le bonhomme
Giraud ne fut point embarrasse par cette demande, bien qu'elle lui fut
adressee un peu tard, car il etait temps de souper; il courut a sa
chambre, et, persuade qu'il avait compris, il rapporta en triomphe a sa
niece une petite planche et un morceau de craie, reliques precieuses de
son ancien amour pour la batisse et la charpente.
Camille n'eut pas l'air de se plaindre de voir son desir rempli de
cette facon; elle prit la planchette sur ses genoux, et fit asseoir son
oncle a cote d'elle; puis elle lui fit prendre la craie, et lui saisit
la main comme pour le guider, en meme temps que ses regards inquiets
s'appretaient a suivre ses moindres mouvements.
L'oncle Giraud comprenait bien qu'elle lui demandait d'ecrire quelque
chose, mais quoi? Il l'ignorait.--Est-ce le nom de ta mere? Est-ce le
mien? Est-ce le tien? Et pour se faire comprendre, il frappa du bout du
doigt, le plus doucement qu'il put, sur le coeur de la jeu
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