e joie au coeur. Apres avoir parle par gestes presque a tout le
monde, Camille etait restee debout entre les genoux de sa mere. On
venait de la voir aller de cote et d'autre; on s'attendait a quelque
chose d'etrange, ou tout au moins de curieux; elle n'avait rien fait que
de dire bonsoir aux gens avec une grande reverence, donner un petit
_shake-hand_ a des demoiselles anglaises, envoyer des baisers aux meres
de ses petites amies, le tout peut-etre appris par coeur, mais fait avec
grace et naivete. Revenue tranquillement a sa place, on commenca a
l'admirer. Rien, en effet, n'etait plus beau que cette enveloppe dont
ne pouvait sortir cette pauvre ame. Sa taille, son visage, ses longs
cheveux boucles, ses yeux surtout d'un eclat incomparable, surprenaient
tout le monde. En meme temps que ses regards essayaient de tout deviner,
et ses gestes de tout dire, son air reflechi et melancolique pretait a
ses moindres mouvements, a ses allures d'enfant et a ses poses un
certain aspect d'un air de grandeur; un peintre ou un sculpteur en eut
ete frappe. On s'approcha de madame des Arcis, on l'entoura, on fit
mille questions par gestes a Camille; a l'etonnement et a la repugnance
avaient succede une bienveillance sincere, une franche sympathie.
L'exageration, qui arrive toujours des que le voisin parle apres le
voisin pour repeter la meme chose, s'en mela bientot. On n'avait jamais
vu un si charmant enfant; rien ne lui ressemblait, rien n'etait si beau
qu'elle. Camille eut enfin un triomphe complet, auquel elle etait loin
de rien comprendre.
Madame des Arcis le comprenait. Toujours calme au dehors, elle eut ce
soir-la un battement de coeur qui lui etait du, le plus heureux, le plus
pur de sa vie. Il y eut entre elle et son mari un sourire echange, qui
valait bien des larmes.
Cependant une jeune fille se mit au piano, et joua une contredanse. Les
enfants se prirent par la main, se mirent en place et commencerent a
executer les pas que le maitre de danse de l'endroit leur avait appris.
Les parents, d'autre part, commencerent a se complimenter
reciproquement, a trouver charmante cette petite fete, et a se faire
remarquer les uns aux autres la gentillesse de leurs progenitures. Ce
fut bientot un grand bruit de rires enfantins, de plaisanteries de cafe
entre les jeunes gens, de causeries de chiffons entre les jeunes filles,
de bavardages entre les papas, de politesses aigres-douces entre les
mamans, bref un bal d'enfants en province.
|