ce qu'il appelait une _rouerie_ de sa part; car il croyait
que, s'entendant avec Arsene, elle avait accepte ses soins et accueilli
a demi sa declaration, pour le jouer ou mener de front deux intrigues.
Il monta l'escalier rapidement, et sonna tout essouffle, le coeur gonfle
d'un plaisir amer et cuisant; mais lorsqu'au lieu de Marthe, _la fille
d'Herodias_ vint lui ouvrir la porte, il recula de trois pas, et ne se
gena pas pour jurer.
Louison ne s'effaroucha pas pour si peu; et, entrant tout de suite en
matiere, elle lui adressa des excuses aussi douces et aussi polies
qu'elle put le faire, pour la maniere dont elle s'etait conduite la
veille avec lui.
Horace, tout emerveille de cette conversion, lui promit d'oublier tout;
et trouvant qu'un peu de hardiesse lui donnerait, a ses propres yeux, un
air don Juan qui completerait son role a l'egard de Marthe, il appliqua
un gros baiser de protection familiere sur la joue vermeille et rebondie
de la villageoise. Malgre sa pruderie habituelle, elle ne s'en facha
point trop, el lui parla ainsi:
"Si j'avais tant d'humeur hier soir, monsieur Horace, c'est que je me
trompais. Je m'etais imagine, voyant mon frere si epris de mademoiselle
Marthe, que celle-ci consentait a l'ecouter en meme temps qu'elle vous
ecoutait, et que vous vous entendiez tous les deux pour tromper mon
pauvre Arsene.
--Je vous remercie de la supposition, repondit Horace; permettez-moi de
vous en temoigner ma reconnaissance en embrassant cette autre joue qui
fait des reproches a sa voisine.
--Que celui-la soit le dernier, dit Louison en se laissant donner
un second baiser, non sans rougir beaucoup: nous sommes bien assez
raccommodes comme cela. Je me disais donc comme ca que c'etait bien
vilain de la part de Marthe d'ecouter deux galants; foi d'honnete fille,
je ne savais pas que mon frere ne lui avait tant seulement pas dit un
mot d'amourette.
--Ah! dit Horace d'un air indifferent, c'est singulier!"
Et il commenca cependant a ecouter avec interet.
"Eh! pardine, vous le savez bien, peut-etre, reprit Louison. Il parait
(et c'est meme bien sur) que Marton ne veut pas qu'on lui parle de se
marier. Et puis, voyez-vous, Monsieur (je peux bien vous dire ca entre
nous), Marton est fiere, trop fiere pour une fille qui n'a ni sou ni
maille; mais ca a des idees de princesse, ca lit dans les livres, et ca
voudrait filer le parfait amour avec un jeune homme bien mis et bien
eduque. Elle trouve mon pauvre
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