se de plus fort que la
haine... C'etait la peur... une peur de tous les instants...
Tuer Pardaillan, pour Maurevert, c'etait se decharger de l'epouvante;
tant que le chevalier vivrait, lui n'oserait vivre!...
La nuit etait venue depuis quelque temps deja, lorsqu'il apercut deux
hommes qui, se tenant le bras, s'approchaient de l'auberge... Avec sa
surete de coup d'oeil, Maurevert reconnut en eux deux facons de truands,
deux de ces sacripants comme il en pullulait alors, et qui, pour
quelques ecus, depechaient leur homme en douceur et sans trop le faire
crier. Maurevert fit donc un signe imperieux, auquel les deux heres se
rendirent aussitot.
--Voulez-vous gagner chacun cinquante bonnes livres bien comptees?
demanda Maurevert tout en continuant a surveiller du coin de l'oeil la
porte de l'auberge.
--Que faut-il faire? demanderent-ils en choeur.
Maurevert s'assura que les deux truands etaient armes d'une bonne dague,
et ce, malgre les edits repetes.
--Ecoutez, mes braves; ce qu'il faut faire, le voici: il y a la, dans
cette auberge, un homme...
--Qui vous gene, peut-etre, dit l'un.
--Tu es intelligent, l'ami, dit Maurevert.
--Et cet homme, il s'agirait de...
--Oui, gronda Maurevert.
--Bon! Ca nous va. Cent livres pour nous deux, apres l'operation: c'est
entendu. Prepare ta dague, Croasse! car les deux malandrins etaient les
hotes de Pardaillan.
--Silence!... fit Maurevert.
La porte de l'auberge s'ouvrait. Les trois hommes s'aplatirent contre le
mur. Dans le rai de lumiere qui sortait du cabaret, Maurevert reconnut
Pardaillan et se sentit blemir... Lorsque le chevalier et le chien se
furent mis en route, Maurevert donna ses instructions:
--Suivez-moi, dit-il a voix basse. Quand je vous dirai: "Allez!" il sera
temps. Vous vous jetterez sur l'homme. Mais ne le manquez pas du premier
coup: sans quoi il ne vous manquera pas, lui!
Pour toute reponse, Picouic tira son poignard et Croasse, ayant enfin
compris ce dont il s'agissait, l'imita. Maurevert se mit en route. Les
deux maigres hercules le suivaient le poignard au poing. Vingt fois,
Maurevert eut pu donner le signal; vingt fois, il fut sur le point de le
donner. Il n'osa pas!...
C'est en roulant des pensees de peur mortelle que Maurevert, sur la
piste de Pardaillan, atteignit la Cite...
La, Maurevert vit le chevalier s'arreter devant une maison, il crut
enfin que l'occasion etait propice, et il allait s'effacer, donner le
signal, lorsq
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