les avantages que ce mariage lui apporterait, et les admit
sans aucune contrainte, en fille reflechie, qui sait fort bien qu'on
ne peut tout avoir, et qu'il faut faire le bilan du bon et du mauvais
en chaque situation.
Lancee dans le monde, recherchee surtout parce qu'elle etait jolie et
spirituelle, elle vit beaucoup d'hommes lui faire la cour sans perdre
une seule fois le calme de son coeur, raisonnable comme son esprit.
Elle etait coquette, cependant, d'une coquetterie agressive et
prudente qui ne s'avancait jamais trop loin. Les compliments lui
plaisaient, les desirs eveilles la caressaient, pourvu qu'elle put
paraitre les ignorer; et quand elle s'etait sentie tout un soir dans
un salon encensee par les hommages, elle dormait bien, en femme qui a
accompli sa mission sur terre. Cette existence, qui durait a present
depuis sept ans, sans la fatiguer, sans lui paraitre monotone, car
elle adorait cette agitation incessante du monde, lui laissait
pourtant parfois desirer d'autres choses. Les hommes de son entourage,
avocats politiques, financiers ou gens de cercle desoeuvres,
l'amusaient un peu comme des acteurs; et elle ne les prenait pas trop
au serieux, bien qu'elle estimat leurs fonctions, leurs places et
leurs titres.
Le peintre lui plut d'abord par tout ce qu'il avait en lui de nouveau
pour elle. Elle s'amusait beaucoup dans l'atelier, riait de tout son
coeur, se sentait spirituelle, et lui savait gre de l'agrement qu'elle
prenait aux seances. Il lui plaisait aussi parce qu'il etait beau,
fort et celebre; aucune femme, bien qu'elles pretendent, n'etant
indifferente a la beaute physique et a la gloire. Flattee d'avoir ete
remarquee par cet expert, disposee a le juger fort bien a son tour,
elle avait decouvert chez lui une pensee alerte et cultivee, de la
delicatesse, de la fantaisie, un vrai charme d'intelligence et une
parole coloree, qui semblait eclairer ce qu'elle exprimait.
Une intimite rapide naquit entre eux, et la poignee de main qu'ils
se donnaient quand elle entrait semblait meler quelque chose de leur
coeur un peu plus chaque jour.
Alors, sans aucun calcul, sans aucune determination reflechie, elle
sentit croitre en elle le desir naturel de le seduire, et y ceda. Elle
n'avait rien prevu, rien combine; elle fut seulement coquette, avec
plus de grace, comme on l'est par instinct envers un homme qui vous
plait davantage que les autres; et elle mit dans toutes ses manieres
avec lui, dans ses regard
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