qu'elle y avait mis, avec toute sa volonte, toute sa force
d'affection, toutes ses esperances et tous ses reves.
Aussi, quand elle le sentait revenir a elle, apres ces rapides
eloignements, elle eprouvait a le reprendre, a le reposseder comme une
chose perdue et retrouvee, un bonheur muet et profond qui parfois,
quand elle passait devant une eglise, la jetait dedans pour remercier
Dieu.
La preoccupation de lui plaire toujours, plus qu'aucune autre, et
de le garder contre toutes, avait fait de sa vie entiere un combat
ininterrompu de coquetterie. Elle avait lutte pour lui, devant lui,
sans cesse, par la grace, par la beaute, par l'elegance. Elle voulait
que partout ou il entendrait parler d'elle, on vantat son charme, son
gout, son esprit et ses toilettes. Elle voulait plaire aux autres pour
lui et les seduire afin qu'il fut fier et jaloux d'elle. Et chaque
fois qu'elle le devina jaloux, apres l'avoir fait un peu souffrir
elle lui menageait un triomphe qui ravivait son amour en excitant sa
vanite.
Puis comprenant qu'un homme pouvait toujours rencontrer, par le monde,
une femme dont la seduction physique serait plus puissante, etant
nouvelle, elle eut recours a d'autres moyens: elle le flatta et le
gata.
D'une facon discrete et continue, elle fit couler l'eloge sur lui;
elle le berca d'admiration et l'enveloppa de compliments, afin que,
partout ailleurs, il trouvat l'amitie et meme la tendresse un peu
froides et incompletes, afin que si d'autres l'aimaient aussi, il
finit par s'apercevoir qu'aucune ne le comprenait comme elle.
Elle fit de sa maison, de ses deux salons ou il entrait si souvent,
un endroit ou son orgueil d'artiste etait attire autant que son coeur
d'homme, l'endroit de Paris ou il aimait le mieux venir parce que
toutes ses convoitises y etaient en meme temps satisfaites.
Non seulement, elle apprit a decouvrir tous ses gouts, afin de lui
donner en les rassasiant chez elle, une impression de bien-etre que
rien ne remplacerait, mais elle sut en faire naitre de nouveaux, lui
creer des gourmandises de toute sorte, materielles ou sentimentales,
des habitudes de petits soins, d'affection, d'adoration, de flatterie!
Elle s'efforca de seduire ses yeux par des elegances, son odorat par
des parfums, son oreille par des compliments et sa bouche par des
nourritures.
Mais lorsqu'elle eut mis en son ame et en sa chair de celibataire
egoiste et fete une multitude de petits besoins tyranniques,
lorsqu'elle
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