ous dejeunerons ensemble.
Musadieu accourait. Il avait ete retenu quelques minutes a la
sculpture et s'excusait, essouffle deja.
Il disait:
--Par ici, duchesse, par ici, nous commencons a droite.
Ils venaient de disparaitre dans un remous de tetes, quand la comtesse
de Guilleroy, tenant par le bras sa fille, entra, cherchant du regard
Olivier Bertin.
Il les vit, les rejoignit, et, les saluant:
--Dieu, qu'elles sont jolies! dit-il. Vrai, Nanette embellit beaucoup.
En huit jours, elle a change.
Il la regardait de son oeil observateur. Il ajouta:
--Les lignes sont plus douces, plus fondues, le teint plus lumineux.
Elle est deja bien moins petite fille et bien plus Parisienne.
Mais soudain il revint a la grande affaire du jour.
--Commencons a droite, nous allons rejoindre la duchesse.
La comtesse, au courant de toutes les choses de la peinture et
preoccupee comme un exposant, demanda:
--Que dit-on?
--Beau salon. Le Bonnat remarquable, deux excellents Carolus Duran,
un Puvis de Chavannes admirable, un Roll tres etonnant, tres neuf, un
Gervex exquis, et beaucoup d'autres, des Beraud, des Cazin, des Duez,
des tas de bonnes choses enfin.
--Et vous, dit-elle.
--On me fait des compliments, mais je ne suis pas content.
--Vous n'etes jamais content.
--Si, quelquefois. Mais aujourd'hui, vrai, je crois que j'ai raison.
--Pourquoi?
--Je n'en sais rien.
--Allons voir.
Quand ils arriverent devant le tableau--deux petites paysannes prenant
un bain dans un ruisseau--un groupe arrete l'admirait. Elle en fut
joyeuse, et tout bas.
--Mais il est delicieux, c'est un bijou. Vous n'avez rien fait de
mieux.
Il se serrait contre elle, l'aimant, reconnaissant de chaque mot
qui calmait une souffrance, pansait une plaie. Et des raisonnements
rapides lui couraient dans l'esprit pour le convaincre qu'elle avait
raison, qu'elle devait voir juste avec ses yeux intelligents de
Parisienne. Il oubliait, pour rassurer ses craintes, que depuis douze
ans il lui reprochait justement d'admirer trop les mievreries, les
delicatesses elegantes, les sentiments exprimes, les nuances batardes
de la mode, et jamais l'art, l'art seul, l'art degage des idees, des
tendances et des prejuges mondains.
Les entrainant plus loin: "Continuons," dit-il.
Et il les promena pendant fort longtemps de salle en salle en leur
montrant les toiles, leur expliquant les sujets, heureux entre elles,
heureux par elles.
Soudain, l
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