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La comtesse se retourna, confuse, surprise, honteuse, et la
domestique, devinant sa pensee, reprit:
--Madame a trop pleure, il n'y a rien de pire que les larmes pour
vider la peau. C'est le sang qui tourne en eau.
Comme la comtesse ajoutait tristement:
--Il y a aussi l'age.
La bonne se recria:
--Oh! oh! Madame n'en est pas la! En quelques jours de repos il n'y
paraitra plus. Mais il faut que Madame se promene et prenne bien garde
de ne pas pleurer.
Aussitot qu'elle fut habillee, la comtesse descendit au parc, et pour
la premiere fois depuis la mort de sa mere, elle alla visiter le petit
verger ou elle aimait autrefois soigner et cueillir des fleurs, puis
elle gagna la riviere et marcha le long de l'eau jusqu'a l'heure du
dejeuner.
En s'asseyant a la table en face de son mari, a cote de sa fille, elle
demanda pour savoir leur pensee:
--Je me sens mieux aujourd'hui. Je dois etre moins pale.
Le comte repondit:
--Oh! vous avez encore bien mauvaise mine.
Son coeur se crispa, et une envie de pleurer lui mouilla les yeux, car
elle avait pris l'habitude des larmes.
Jusqu'au soir, et le lendemain, et les jours suivants, soit qu'elle
pensat a sa mere, soit qu'elle pensat a elle-meme, elle sentit a tout
moment des sanglots lui gonfler la gorge et lui monter aux paupieres,
mais pour ne pas les laisser s'epandre et lui raviner les joues,
elle les retenait en elle, et par un effort surhumain de volonte,
entrainant sa pensee sur des choses etrangeres, la maitrisant, la
dominant, l'ecartant de ses peines, elle s'efforcait de se consoler,
de se distraire, de ne plus songer aux choses tristes, afin de
retrouver la sante de son teint.
Elle ne voulait pas surtout retourner a Paris et revoir Olivier Bertin
avant d'etre redevenue elle-meme. Comprenant qu'elle avait trop
maigri, que la chair des femmes de son age a besoin d'etre pleine pour
se conserver fraiche, elle cherchait de l'appetit sur les routes et
dans les bois voisins, et bien qu'elle rentrat fatiguee et sans faim,
elle s'efforcait de manger beaucoup.
Le comte, qui voulait repartir, ne comprenait point son obstination.
Enfin, devant sa resistance invincible, il declara qu'il s'en allait
seul, laissant la comtesse libre de revenir lorsqu'elle y serait
disposee.
Elle recut le lendemain la depeche annoncant l'arrivee d'Olivier.
Une envie de fuir la saisit, tant elle avait peur de son premier
regard. Elle aurait desire attendre encore une se
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