etes inconnues,
faits pour etendre sur la chair tendre la caresse des poudres
odorantes, des parfums gras ou liquides.
Longtemps elle les mania de ses doigts savants, promena de ses levres
a ses tempes leur toucher plus moelleux qu'un baiser, corrigeant les
nuances imparfaitement retrouvees, soulignant les yeux, soignant les
cils. Quand elle descendit enfin, elle etait a peu pres sure que le
premier regard qu'il lui jetterait ne serait pas trop defavorable.
--Ou est M. Bertin? demanda-t-elle au domestique rencontre dans le
vestibule.
L'homme repondit:
--M. Bertin est dans le verger, en train de faire une partie de
lawn-tennis avec mademoiselle.
Elle les entendit de loin crier les points.
L'une apres l'autre, la voix sonore du peintre et la voix fine de la
jeune fille annoncaient: quinze, trente, quarante, avantage, a deux,
avantage, jeu.
Le verger ou avait ete battu un terrain pour le lawn-tennis etait un
grand carre d'herbe plante de pommiers, enclos par le parc, par le
potager et par les fermes dependant du chateau. Le long des talus qui
le limitaient de trois cotes, comme les defenses d'un camp retranche,
on avait fait pousser des fleurs, de longues plates-bandes de fleurs
de toutes sortes, champetres ou rares, des roses en quantite, des
oeillets, des heliotropes, des fuchsias, du reseda, bien d'autres
encore, qui donnaient a l'air un gout de miel, ainsi que disait
Bertin. Des abeilles, d'ailleurs, dont les ruches alignaient leurs
domes de paille le long du mur aux espaliers du potager, couvraient ce
champ fleuri de leur vol blond et ronflant.
Juste au milieu de ce verger on avait abattu quelques pommiers, afin
d'obtenir la place necessaire au lawn-tennis, et un filet goudronne,
tendu par le travers de cet espace, le separait en deux camps.
Annette, d'un cote, sa jupe noire relevee, nu-tete, montrant ses
chevilles et la moitie du mollet lorsqu'elle s'elancait pour attraper
la balle au vol, allait, venait, courait, les yeux brillants et les
joues rouges, fatiguee, essoufflee par le jeu correct et sur de son
adversaire.
Lui, la culotte de flanelle blanche serree aux reins sur la chemise
pareille, coiffe d'une casquette a visiere, blanche aussi, et le
ventre un peu saillant, attendait la balle avec sang-froid, jugeait
avec precision sa chute, la recevait et la renvoyait sans se presser,
sans courir, avec l'aisance elegante, l'attention passionnee et
l'adresse professionnelle qu'il apportait a tou
|