t au salon. Il semblait radieux.
--Ah! la bonne idee que j'ai eue de venir!--disait-il. Il se
reprit:--Non, c'est votre mari qui l'a eue pour moi. Il m'a charge
de vous ramener. Et moi, savez-vous ce que je vous propose?--Non,
n'est-ce pas?--Eh bien, je vous propose au contraire de rester ici.
Par ces chaleurs, Paris est odieux, tandis que la campagne est
delicieuse. Dieu! qu'il fait bon!
La tombee du soir impregnait le parc de fraicheur, faisait frissonner
les arbres et s'exhaler de la terre des vapeurs imperceptibles qui
jetaient sur l'horizon un leger voile transparent. Les trois vaches,
debout et la tete basse, broutaient, avec avidite, et quatre paons,
avec un fort bruit d'ailes, montaient se percher dans un cedre ou ils
avaient coutume de dormir, sous les fenetres du chateau. Des chiens
aboyaient au loin par la campagne, et dans l'air tranquille de cette
fin de jour passaient des appels de voix humaines, des phrases jetees
a travers les champs, d'une piece de terre a l'autre, et ces cris
courts et gutturaux avec lesquels on conduit les betes.
Le peintre, nu-tete, les yeux brillants, respirait a pleine gorge; et
comme la comtesse le regardait:
--Voila le bonheur, dit-il.
Elle se rapprocha de lui.
--Il ne dure jamais.
--Prenons-le quand il vient.
Elle, alors, avec un sourire:
--Jusqu'ici vous n'aimiez pas la campagne.
--Je l'aime aujourd'hui, parce que je vous y trouve. Je ne saurais
plus vivre en un endroit ou vous n'etes pas. Quand on est jeune, on
peut etre amoureux de loin, par lettres, par pensees, par exaltation
pure, peut-etre parce qu'on sent la vie devant soi, peut-etre aussi
parce qu'on a plus de passion que de besoins du coeur; a mon age,
au contraire, l'amour est devenu une habitude d'infirme, c'est un
pansement de l'ame, qui ne battant plus que d'une aile s'envole moins
dans l'ideal. Le coeur n'a plus d'extase, mais des exigences egoistes.
Et puis, je sens tres bien que je n'ai pas de temps a perdre pour
jouir de mon reste.
--Oh! vieux! dit-elle en lui prenant la main.
Il repetait:
--Mais oui, mais oui. Je suis vieux. Tout le montre, mes cheveux, mon
caractere qui change, la tristesse qui vient. Sacristi, voila une
chose que je n'ai pas connue jusqu'ici: la tristesse! Si on m'eut
dit, quand j'avais trente ans, qu'un jour je deviendrais triste sans
raison, inquiet, mecontent de tout, je ne l'aurais pas cru. Cela
prouve que mon coeur aussi a vieilli.
Elle repondit avec un
|