--Mais, je ne demande pas mieux, moi. Cependant..., croyez-vous que
cela ne la contrariera pas de me voir arriver ainsi?
--Non, pas du tout; allez donc, mon cher.
--J'y consens alors. Je partirai demain par le train d'une heure.
Faut-il lui envoyer une depeche?
--Non, je m'en charge. Je vais la prevenir, afin que vous trouviez une
voiture a la gare.
Comme ils avaient fini de diner, ils remonterent aux boulevards; mais
au bout d'une demi-heure a peine, le comte soudain quitta le peintre,
sous le pretexte d'une affaire urgente qu'il avait tout a fait
oubliee.
II
La comtesse et sa fille, vetues de crepe noir, venaient de s'asseoir
face a face, pour dejeuner, dans la vaste salle de Roncieres. Les
portraits d'aieux, naivement peints, l'un en cuirasse, un autre en
justaucorps, celui-ci poudre en officier des gardes francaises,
celui-la en colonel de la Restauration, alignaient sur les murs la
collection des Guilleroy passes, en des cadres vieux dont la dorure
tombait. Deux domestiques, aux pas sourds, commencaient a servir les
deux femmes silencieuses; et les mouches faisaient autour du lustre
en cristal, suspendu au milieu de la table, un petit nuage de points
noirs tourbillonnant et bourdonnant.
--Ouvrez les fenetres, dit la comtesse, il fait un peu frais ici.
Les trois hautes fenetres, allant du parquet au plafond, et larges
comme des baies, furent ouvertes a deux battants. Un souffle d'air
tiede, portant des odeurs d'herbe chaude et des bruits lointains de
campagne, entra brusquement par ces trois grands trous, se melant a
l'air un peu humide de la piece profonde enfermee dans les murs epais
du chateau.
--Ah!, c'est bon, dit Annette, en respirant a pleine gorge.
Les yeux des deux femmes s'etaient tournes vers le dehors et
regardaient au-dessous d'un ciel bleu clair, un peu voile par cette
brume de midi qui miroite sur les terres impregnees de soleil, la
longue pelouse verte du parc, avec ses ilots d'arbres de place en
place et ses perspectives ouvertes au loin sur la campagne jaune
illuminee jusqu'a l'horizon par la nappe d'or des recoltes mures.
--Nous ferons une longue promenade apres dejeuner, dit la comtesse.
Nous pourrons aller a pied jusqu'a Berville, en suivant la riviere,
car il ferait trop chaud dans la plaine.
--Oui, maman, et nous prendrons Julio pour faire lever des perdrix.
--Tu sais que ton pere le defend.
--Oh, puisque papa est a Paris! C'est si amusant de voir Julio en
ar
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