toute la delicatesse que vous mettez a
n'aller pas au-devant de l'idee de M. Fouquet: vous redoutez de
paraitre aduler le roi. Noblesse de coeur, monsieur Percerin!
noblesse de coeur!
Le tailleur balbutia.
-- Ce serait, en effet, une bien belle flatterie a faire au jeune
prince, continua Aramis. "Mais, m'a dit M. le surintendant, si
Percerin refuse, dites-lui que cela ne lui fait aucun tort dans
mon esprit, et que je l'estime toujours. Seulement..."
-- Seulement?... repeta Percerin avec inquietude.
-- "Seulement, continua Aramis, je serai force de dire au roi mon
cher monsieur Percerin, vous comprenez, c'est M. Fouquet qui
parle; seulement, je serai force de dire au roi: "Sire, j'avais
l'intention d'offrir a Votre Majeste son image; mais, dans un
sentiment de delicatesse, exageree peut-etre, quoique respectable,
M. Percerin s'y est oppose."
-- Oppose! s'ecria le tailleur epouvante de la responsabilite qui
allait peser sur lui; moi, m'opposer a ce que desire, a ce que
veut M. Fouquet quand il s'agit de faire plaisir au roi? oh! le
vilain mot que vous avez dit la, monsieur l'eveque! M'opposer! Oh!
ce n'est pas moi qui l'ai prononce Dieu merci! J'en prends a
temoin M. le capitaine des mousquetaires. N'est ce pas, monsieur
d'Artagnan, que je ne m'oppose a rien?
D'Artagnan fit un signe d'abnegation indiquant qu'il desirait
demeurer neutre; il sentait qu'il y avait la-dessous une intrigue,
comedie ou tragedie; il se donnait au diable de ne pas la deviner,
mais en attendant, il desirait s'abstenir.
Mais deja Percerin, poursuivi de l'idee qu'on pouvait dire au roi
qu'il s'etait oppose a ce qu'on lui fit une surprise, avait
approche un siege a Le Brun et s'occupait de tirer d'une armoire
quatre habits resplendissants, le cinquieme etant encore aux mains
des ouvriers, et placait successivement lesdits chefs-d'oeuvre sur
autant de mannequins de Bergame, qui, venus en France du temps de
Concini avaient ete donnes a Percerin II par le marechal d'Ancre,
apres la deconfiture des tailleurs italiens ruines dans leur
concurrence.
Le peintre se mit a dessiner, puis a peindre les habits.
Mais Aramis, qui suivait des yeux toutes les phases de son travail
et qui le veillait de pres l'arreta tout a coup.
-- Je crois que vous n'etes pas dans le ton, mon cher monsieur Le
Brun, lui dit-il; vos couleurs vous tromperont, et sur la toile se
perdra cette parfaite ressemblance qui nous est absolument
necessaire; il faudrait p
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